La classe ouvrière va au paradis

Le Jurassien Pierre-Louis Wermeille a été le seul prêtre-ouvrier qu’ait connu la Suisse

 Wermeille

Aujord'hui, l’abbé Pierre-Louis Wermeille, 60 ans, est l’aumônier des hôpitaux et homes médicalisés du canton du Jura. Il a été ordonné prêtre en 1968. Coïncidence, la visite de Jean-Paul II en Suisse survient juste cinquante ans après l’un des épisodes les moins glorieux du Vatican : en 1954, la hiérarchie catholique demandait aux prêtres-ouvriers de quitter usines et chantiers.

« La classe ouvrière va au paradis » est l’un des films les plus emblématiques de cinéma italien, palme d’or au Festival de Cannes en 1972. Le réalisateur Elio Petri y montre l’aliénation des ouvriers qui travaillent à la chaîne, l’arrogance des patrons, les abus du pouvoir politique et s’il devait y avoir un paradis, Elio Petri est convaincu c’est la classe ouvrière qui mériterait d’y accéder en tout premier. A l’époque de la sortie du film, l’abbé Wermeille travaillait dans une usine à Soceboz. Au début de son ministère, il a participé à l’activité de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne). De 1974 à 1978, durant quatre ans et quatre mois, il a troqué sa soutane pour travailler en usine. Ila été le seul prêtre-ouvrier qu’ait connût la Suisse. Trente ans plus tard il évoque sa singulière expérience…

Pourquoi ce choix de travailler dans une usine ?
Dès que j’ai été ordonné prêtre, j’ai voulu m’approcher du monde du travail. J’ai contacté les responsables romands de la JOC. Pour moi, qui étais issu d’un milieu rural, le monde des ouvriers, des usines, a été une découverte. Après avoir été vicaire à Porrentruy et à Tavannes, j’ai découvert cette deuxième vocation, j’ai voulu travailler pour concrétiser mon engagement au sein du monde ouvrier. Je voulais être cohérent avec moi-même en réalisant un acte que me dictait ma conscience et qui me rendait solidaire avec des hommes et des femmes confrontés à la condition ouvrière.

Où avez-vous travaillé ?
A Sonceboz, à l’usine SIS (Société Industrielle de Sonceboz). Une entreprise qui comptait à l’époque quelque 500 ouvriers. J’avais suivi une petite formation qui me permettait de travailler sur des perceuses ou des machines destinées à l’alésage et au taraudage.

Qu’avez-vous découvert dans cette usine ?
J’ai découvert les limites d’être militant. Avant, je mesurais mal ce que signifiait s’engager pour une cause après une journée de travail. En même temps,

Comment évaluez-vous la position de l’Eglise face au monde du travail ?
L’Eglise a de la peine à sortir de sa sacristie. Elle investit énormément pour soigner son image : liturgie, pèlerinages, etc. C’est encore une Eglise qui attend les gens sur le parvis mais qui ne va pas à leur rencontre.

Extrait de l’interview paru dans L’Evénement syndical, mai 2004.