Yves Rossier, alors directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), m’avait reçu dans son bureau début 2011. Interrogé sur les assurances sociales, l’homme s’est exprimé à la vitesse d’un TGV… Voie 1, attention, départ !
Yves Rossier. Photo PressClub
N’avez-vous pas l’impression que le 2e pilier ressemble à un casino plutôt qu’à un système de solidarités. Certains financiers jouent et gagnent gros avec le marché des capitaux, tandis que les employés cotisent et y laissent des plumes ?
Qualifier le 2e pilier de casino c’est un slogan. La situation actuelle se résume aux difficultés que nous rencontrons pour financer les prestations. Le Conseil fédéral et le Parlement avaient proposé d’abaisser le taux de conversion. Une solution refusée en votation populaire le 7 mars 2010. Il faudra trouver des solutions ailleurs. Mais si en parlant de casino vous pensez au frais administratifs des caisses de pensions, sachez que ces frais sont très faibles par rapport aux besoins d’argent. A l’OFAS, actuellement, nous préparons un rapport pour le Conseil fédéral dans lequel nous allons proposer des mesures pour améliorer la situation de notre prévoyance professionnelle. Parmi ces mesures, il y aura un point concernant les frais administratifs des caisses de pension.
Et sur le front de l’AVS, où en est-on ?
Le problème du financement de l’AVS est différent de celui des caisses de pension. La santé financière de l’AVS est garantie jusqu’en 2021. Mais après, quoi qu’il arrive, nous aurons besoin d’un financement accru. La 11e révision étant passée à la trappe l’automne dernier au Parlement, le conseiller fédéral Didier Burkhalter souhaite réunir en un premier temps dans un acte législatif les adaptations techniques qui n’ont pas été contestées. Ensuite le Département fédéral de l’intérieur élaborera un projet de révision qui sera soumis aux Parlement lors de la prochaine législature.
Pourquoi après 2021 l’AVS aura besoin d’un financement accru ?
Parce que nous nous trouverons face à un cumul de deux problèmes : on vit plus longtemps et le gros de la génération du baby-boom sera à la retraite. Vivre plus longtemps en soi c’est plutôt bien, le contraire, comme cela se passe en Russie ou en Afrique du Sud, serait désastreux pour la Suisse. Le baby-boom – les naissances entre 1945 et 1965 – est l’explosion démographique la plus forte de toute l’histoire de l’humanité. Donc nous vivons plus longtemps et celles et ceux qui arrivent à la retraite maintenant sont et seront de plus en plus nombreux.
Quelles pistes préconisez-vous pour garantir le financement de l’AVS qui sera rendu problématique par le vieillissement de la population ?
Même si les Suisses se mettaient dès cette année à faire plein d’enfants cela ne changerait rien au moins durant les vingt-cinq prochaines années. L’AVS est financée par le travail des gens. C’est le travail qui fait la richesse de notre système social. Les travailleurs immigrés, notamment ceux qui sont arrivés en Suisse depuis l’Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, contribuent à alimenter les caisses de l’AVS. Cela se chiffre en milliards les sommes que nous avons encaissées dans les assurances sociales grâce aux cotisations de ces nouveaux travailleurs migrants. Les femmes, de plus en plus nombreuses sur le marché du travail, contribuent également à financer notre système social. Et il y a également de plus en plus de jeunes retraités qui travaillent entre 65 et 70 ans. Plus il y a de gens qui travaillent dans notre pays, mieux se portera le système social.
Quelle est votre définition de la solidarité ?
Quand vous payez vos cotisations à un syndicat, vous n’allez pas vous demander si cette année vous avez tiré autant de prestations du syndicat que j’ai payé de cotisations. Et bien il en va de même pour l’Etat social. Une solidarité à laquelle je ne suis pas disposé à apporter ma contribution, ce n’est pas de la solidarité. C’est du self-service. La solidarité ce n’est de demander aux autres de nous donner des sous. La solidarité ce n’est pas Mère Térésa. La solidarité c’est de se rendre compte que si l’on se met à plusieurs pour régler un problème, on le règle mieux que si on le règle tout seul.
Extrait de l’interview publiée dans contact.sev, février 2011.