Pellet, dessinateur de presse: l’imagination au bout du crayon

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 Alain Pellet dans son bureau à Ollon (VD). Photo AC

 

Un dessin suffit pour qu’Alain Pellet résume et rend intelligible un message complexe, le tout relevé d’un zeste d’humour. Comme les films muets de Buster Keaton ou de Charlie Chaplin, les dessins d’Alain Pellet n’ont pas besoin de mots pour nous faire sourire, même face à des situations sérieuses qui dénoncent des injustices ou des abus de pouvoir.

« A l’école primaire, je faisais des dessins pour notre journal de classe. Enfant, il m’arrivait aussi de caricaturer les gens de mon village. Je n’ai jamais suivi de cours de dessin, hormis de dessin technique, puisque je suis dessinateur géomètre. » Comment Alain Pellet réussit-il concilier son métier de technicien géomètre et sa passion pour le dessin de presse ? D’un côté la rigueur, de l’autre la fantaisie. La terre et le feu. « Mes deux jobs sont complémentaires. Les deux nécessitent de la rigueur et de l’imagination. Dans tous les domaines, je suis convaincu que l’imagination est primordiale. »
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Extrait de l’article paru dans contact.sev, janvier 2010.

 

 

 

 

 

Sabina Guzzanti, rire amer

Le film « Viva Zapatero » de Sabina Guzzanti est un documentaire accablant démontrant la mainmise du gouvernement Berlusconi sur les médias de la Péninsule.

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Sabina Guzzanti, réalisatrice de « Viva Zapatero ». Photo Neil Labrador

 

Si les films documentaires de Michael Moore vous ont plu, vous aimerez « Viva Zapatero » de Sabina Guzzanti. Chez l’Américain, la tête de pipe c’est Bush, pour l’Italienne c’est Berlusconi. Sabina Guzzanti arpente depuis plusieurs années avec succès populaire les scènes de théâtre de la Péninsule, grimée sous les traits du premier ministre italien.

Des politiciens italiens vous accusent, pour justifier votre mise à l’écart du petit écran, de faire de la politique et non de la satire.
Tout un chacun a le droit de faire les commentaires qu’il veut sur l’actualité politique. C’est absurde de prétendre que seuls les politiciens ont le droit d’aller devant les caméras pour parler de politique.

Un demi-million d’Italiens vivent en Suisse. Pensez-vous que votre combat peut les intéresser?
Bien sûr que oui. Une télévision libre, c’est la base de tous les droits. C’est à la télévision, par exemple, qu’on peut débattre des réformes du régime des retraites et de l’assurance maladie, thèmes susceptibles d’intéresser les émigrés qui veulent rentrer en Italie.

Est-ce que vous appréciez le fait que l’on compare votre film à ceux de Michael Moore ?
Nos films sont des documentaires politiques qui se veulent amusants. Mais notre approche cinématographique est différente. Michael Moore crée des situations, des gags. Il manipule un peu la réalité. Mais si l’Américain n’avait pas existé, peut-être que je n’aurais pas eu le courage de me lancer dans cette aventure.

Extrait de l’interview parue dans L’Evénement syndical, janvier 2006.

 

 

 

 

A fond de train avec Hirschhorn

L’artiste suisse Thomas Hirschhorn a fait en 2004 – 2005 un tabac à Paris avec son exposition « Swiss-swiss Democracy » où les références au monde ferroviaire sont nombreuses.

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« Le train est l’image du transport collectif afin de relier le monde. » Photo AC

« Swiss-swiss democracy », l’exposition de Thomas Hirschhorn au Centre culturel suisse de Paris, fermera ses portes le 30 janvier prochain. Elle a déjà pulvérisé le record de fréquentation au Centre culturel suisse de Paris avec plus de 20’000 visiteurs. L’expo a immédiatement suscité la polémique avec la question à un million : « l’art subventionné peut-il se mêler de politique ? ». Avec les Thomas, c’est toujours pareil, il faut voir pour croire. L’œuvre d’Hirschhorn est un pamphlet contre le populisme. Les collages et les slogans que l’on peut lire sur les cartons scotchés à l’intérieur du Centre culturel suisse de Paris suscitent la réflexion, remettent en cause. C’est décapant et ludique. La présence de collages de schémas du tunnel de base du Gothard et de quelques maquettes avec trains miniatures qui circulent, dévoilent l’intérêt que Thomas Hirschhorn porte au monde ferroviaire.

Que symbolise pour vous le train ?
Permettez-moi de vous répondre avec une phrase du psychanalyste français Michel Foucault. «C’est un extraordinaire faisceau de relations qu’un train, puisque c’est quelque chose à travers quoi on passe, c’est quelque chose également par quoi on peut passer d’un point à un autre et puis c’est quelque chose également qui passe. »

Quelle fonction ont les maquettes de trains dans votre exposition Swiss-swiss Democracy ?
Ce sont des maquettes (il n’y a que des maquettes des trains régionaux : RHB, BLS, etc.), donc ce sont des projets. Des projets pour relier un point à un autre. Le projet de relier le monde est là (en Suisse), mais il n’est pas réalisé, le train reste seulement à l’état d’image, d’idéal.

Les collages des schémas du tunnel de base du Gothard sont-ils là pour montrer un important aspect de la démocratie directe helvétique qui a permis aux citoyens de décider d’investir plusieurs milliards de francs pour relier de manière écologique le Nord et le Sud de l’Europe?
Les tunnels sont là (les schémas, les maquettes, les vidéos) parce qu’il n’y a pas de « génie » (suisse) de faire des tunnels. Les tunnels sont là parce qu’il y a l’obstacle naturel (la montagne) à franchir. C’est la même chose avec la démocratie. Il n’y a pas de « génie » démocratique, il n’y a pas d’idéal démocratie, il y a seulement des réalisations.

Quelle idée au juste avez-vous alors voulu véhiculer dans votre exposition avec cette présence du monde ferroviaire ?
Les trains et aussi les maquettes de trains véhiculent l’idée même de la démocratie : le collectif! Le train est l’image du transport collectif afin de relier le monde.

Au fond, votre exposition ne dénoncerait-elle pas un certain train-train helvétique ?
Je ne fais pas de jeux des mots J’aime les gens « fans du train ». J’aime les gens qui connaissent tout sur les trains, sur les lignes du train, sur les trajets, sur les maquettes du train. J’aime tous les fans.
Ce que je veux : interroger le tabou, l’idéal « démocratie », une démocratie régionale n’a aucun sens si par ailleurs au monde il n’y a pas de démocratie, la démocratie doit être une réalisation universelle. Rien n’est plus luxurieux et plus auto satisfaisant que de se dire : «je suis démocrate».

L’avant-garde artistique a une connotation élitaire. N’avez-vous pas envie d’être plus accessible envers Madame et Monsieur-tout-le-monde ?
Je ne veux pas être « accessible », faire un « travail accessible ». Je fais de l’art, je ne fais pas de la culture. Mais je veux faire un travail pour un public non-exclusif. Je veux inclure avec mon travail, je ne veux pas exclure. Je ne veux intimider personne par mon travail. Je veux me confronter avec la réalité, avec le monde dans laquelle je vis et avec le temps dans lequel je vis. Les maquettes de train, je les intègre aussi dans mon travail pour créer une fenêtre vers l’autre, pour ouvrir une porte vers l’autre, pour y inclure aussi l’admirateur de maquettes de trains.

Extrait de l’interview parue dans L’Evénement syndical, janvier 2005.