Etat des lieux des navettes autonomes en Suisse romande

C’est à l’EPFL que les premières navettes autonomes ont été testées en Suisse romande. Puis elles ont été mises en service successivement à Sion, Marly, Meyrin et, prochainement, à Cossonay. De plus, à Genève, une navette autonome avec arrêt sur demande est sur le point d’être lancée.

Photo Jo Berset

En Suisse romande, comme partout ailleurs dans notre pays, les navettes autonomes ne sont pas (encore) une success-story. Malgré tout, les opérateurs persévèrent. Petit tour d’horizon des projets pilotes romands autorisés ou en voie d’autorisation par l’OFROU (Office fédéral des routes). Toutes les navettes autonomes romandes sortent de l’usine française Navya.

2016 : CarPostal à Sion
CarPostal a mis en circulation en juin 2016 dans la vieille ville de Sion 2 navettes autonomes. Ce printemps l’expérience a été interrompue pour une durée indéterminée. Selon Valérie Gerl, porte-parole de CarPostal, « la décision a été prise pour endiguer la propagation du coronavirus, la petite taille des véhicules ne permettant pas la distance suffisante entre les voyageurs ; mais d’ici le prochain changement d’horaire, sous réserve de l’autorisation de l’OFROU, les navettes autonomes relieront la gare de Sion au Centre commercial d’Uvrier ».

2017 : les TPF à Marly
En été 2017 c’était au tour des TPF (Transports publics fribourgeois) de se lancer dans l’aventure des navettes autonomes sur le territoire de la commune de Marly. Pour Laura Andres, responsable du projet, l’expérience est mitigée (lire l’encadré ci-contre), et elle prendra fin en décembre 2021. « Pour la suite, nous n’avons pour l’instant pas défini d’autre projet concret. Par contre, nous échangeons régulièrement avec les autres entreprises de transports publics impliquées dans la mobilité autonome et nous essayons de développer ce thème ensemble » relève Laura Andres.

2018 : les TPG à Meyrin…
C’est en juin 2018 que les TPG (Transport publics genevois) ont mis en circulation leurs navettes autonomes dans le centre de Meyrin. L’expérience a été suspendue dès le mois de mars à cause de la pandémie. Les navettes ont repris leur service le lundi 24 août.

… et prochainement à Thônex
Les TPG sont sur le point de mettre en service un deuxième projet pilote en collaboration avec l’Université de Genève et les HUG (Hôpitaux universitaires genevois). Des navettes autonomes avec arrêt sur demande – et non forcément sur des haltes prédéfinies – circuleront dans le vaste périmètre de l’Hôpital psychiatrique Belle-Idée à Thônex. Il faudra télécharger une application sur son smartphone pour pouvoir commander la navette comme on commande un taxi. François Mutter, porte-parole des TPG, précise que « les travaux préparatoires avancent bien et d’ici quelques mois le projet pilote sera opérationnel, il a déjà reçu l’aval de l’OFROU ».

Les MBC sur les starting-blocks
Dans leur dépôt, les MBC (Transports de la région Morges – Bières – Cossonay) ont 2 navettes qui n’attendent qu’à être mises en service à Cossonay pour relier la halte du funiculaire au vieux bourg. François Gatabin, directeur des MBC, souligne que des discussions sont en cours entre les différents partenaires, dont le canton de Vaud, dans le but de trouver un accord en vue de lancer le projet pilote.

A Marly le « bilan social » est meilleur que le bilan technique

Laura Andres est responsable du projet des navettes autonomes qui ont été mises en circulation par les TPF il y a 3 ans. Interview.

Quel bilan tirez-vous de votre projet pilote ?
Le bilan est plutôt mitigé car nous nous sommes rendus compte que la technologie n’était pas aussi avancée que ce que nous pensions. En effet, nous avons rencontré passablement de problèmes avec le parcours des navettes. Par exemple, la végétation changeante et la météo capricieuse (neige, pluie) sont des paramètres qui perturbent l’exploitation des navettes. Les véhicules sont des prototypes et par conséquence, des améliorations techniques doivent encore être développées. Par contre, le bilan social est très bon. Les usagers ont très bien accueilli ce nouveau type de véhicules et l’utilisent comme un transport public « normal ».

Quelles sont vos perspectives ?
Nous avons obtenu ce printemps, l’autorisation de la part de la Confédération pour prolonger l’essai. L’idée est de faire circuler les navettes jusqu’au changement d’horaires de décembre 2021. A partir de là, une ligne de bus « conventionnelle » desservira le Marly Innovation Center (MIC) car les premiers habitants auront emménagé sur le site et que la capacité des deux navettes (11 places chacune) ne sera plus suffisante.

Qui a pris en charge l’achat de ces navettes et quel en est le coût ?
L’Etat de Fribourg et le MIC ont pris en charge chacun le prix d’un véhicule, soit environ 250’000 francs la navette.

Qui assume financièrement leur exploitation ?
L’exploitation est financée par les commanditaires, soit l’Agglomération de Fribourg et le Canton.

Article paru dans le Journal SEV, septembre 2020.

« Il faut mettre fin à notre modèle multimodal gentil »

En Suisse, les pouvoirs publics dépensent énormément d’argent pour les transports publics. Mais ces derniers peinent à gagner des parts de marché. Une étude conduite par Sébastien Munafò, Dr ès sciences et géographe au sein du bureau genevois de recherche « 6-t », montre les limites de notre modèle multimodal. L’étude de M. Munafò propose des pistes d’action pour gagner du terrain sur les transports individuels motorisés.

Les chiffres sont parlants. En 2010, les Suisses effectuaient le 12% de leurs déplacements en transports publics. Cinq ans plus tard, en 2015, la part des transports publics passait à… 13%. Un seul petit pourcent de gain en 5 ans alors que les collectivités publiques dépensent toujours plus pour promouvoir les transports en commun. Un état de fait qui inquiète tant la LITRA, l’UTP que l’Office fédéral du développement territorial, les trois commanditaires de l’étude pilotée par Sébastien Munafò.

Monsieur Munafò, votre étude révèle un paradoxe : les collectivités suisses investissent beaucoup d’argent dans les transports publics mais les gains en parts de marché sont minimes. Avez-vous une explication ?
Objectivement, au niveau mondial, la Suisse est un bon élève en matière de transports publics voyageurs. Toutefois, il y a le réel danger de se reposer sur nos lauriers. En effet, dans notre pays on s’intéresse aux nombre de kilomètres parcourus en transports publics par personne. Tandis que dans notre étude nous nous sommes intéressés au nombre de déplacements que les personnes effectuent avec les transports publics. Et c’est là que ça pêche.

C’est-à-dire ?
La mobilité c’est une activité. Un déplacement correspond à une activité. Et en Suisse, le nombre de déplacements en transports publics évolue que très faiblement malgré les énormes investissements consentis pour les transports publics. Le report modal est extrêmement faible.

Pourquoi ?
Parce que pour les loisirs et pour les achats, la voiture reste incontestablement la reine. Et vu que le nombre de déplacements pour les loisirs et pour les achats est nettement supérieur au nombre de déplacements professionnels, le report modal stagne. Cela étant dit, pour aller au travail, on a de plus en plus tendance à prendre les transports publics et aller plus loin.

Quelles solutions préconisez-vous ?
En Suisse on est encore trop attaché au modèle multimodal gentil, bienveillant avec tous les modes. On va au travail en train, cela donne bonne conscience, et on fait tout le reste en voiture. Nous devons nous attaquer à ces marchés importants que sont les loisirs et les achats. Dans notre étude nous proposons d’agir simultanément dans trois domaines : le territoire, l’offre et la demande pour générer un cercle vertueux dans l’utilisation des transports publics (lire ci-dessous le texte « Des décisions concrètes pour gagner des parts de marché »).

L’actuelle vague de protestations contre le changement climatique, dont le transport individuel est l’une des causes, favorisera-t-elle l’utilisation des transports publics ?
Cette prise de conscience sur le climat devrait logiquement déboucher sur une plus large utilisation des transports publics. J’y crois parce que les Suisses sont attachés à la protection de leur environnement.

Est-ce que la déshumanisation des transports publics ne serait-elle pas une des causes de ce très faible report modal ?
Certainement qu’il s’agit d’un facteur à prendre en compte. Cela rassure les usagers des transports publics d’avoir du personnel dans les gares et sur les trains. Ce qui est très important, c’est l’information en temps réel. Par exemple, s’il y a un retard dû à une panne ou à des travaux, les voyageurs souhaitent être rapidement informés de la cause du retard et des conséquences éventuelles sur la suite du trajet, et ceci par du personnel en chair et en os et pas par des annonces robotisées.

Etes-vous plutôt optimiste ou plutôt pessimiste au sujet du report modal ?
Je suis plutôt optimiste car il y a une tendance générale des politiques publiques à encourager les modes de transports collectifs. Mais pour atteindre cet objectif il ne faut pas se leurrer. A terme, il faudra mettre fin à notre modèle multimodal gentil, qui fait que l’on choisit le train pour aller travailler mais pour tous les autres déplacements l’on préfère la voiture. Il faut commencer à opposer les modes.

L’étude est disponible en ligne : https://litra.ch/fr/publication/la-repartition-modale-du-transport-de-voyageurs-en-suisse

 

Comment les transports publics peuvent-ils gagner des parts de marché?

Si on veut promouvoir avec davantage de succès l’utilisation des transports publics et surtout si on veut gagner des parts de marché par rapport à la mobilité individuelle motorisée, l’étude conduite par Sébastien Munafò préconise de s’attaquer simultanément aux trois grands domaines que sont le territoire, l’offre et la demande. Cette attaque doit se faire de deux manières pour chacun de ces trois domaines : d’une part, en prenant des mesures incitatives pour encourager l’usage des transports publics; d’autre part en décourageant ou du moins en rendant moins attractif l’usage de la voiture individuelle. Par exemple, en ce qui concerne le territoire, il s’agit de favoriser les sites propres pour les transports publics et restreindre certains accès aux voitures. Pour ce qui est de l’offre, il faut augmenter les vitesses commerciales et augmenter le prix des carburants. Quant à la demande, il y aurait lieu de subventionner des abonnements et restreindre l’offre de stationnement tant sur les lieux d’achats que de loisirs.

Sébastien Munafò, 35 ans, a grandi à Tramelan (BE). « Les trains des CJ passaient sous nos fenêtres. C’est de là qu’est né mon goût pour le monde des transports. » Après une licence de géographie à l’Université de Neuchâtel, il séjourne 18 mois à Berlin chez BMW où il a travaillé au sein d’une plateforme de réflexion sur la mobilité. De retour en Suisse, il intègre l’Observatoire de la mobilité de l’Université de Genève dirigé alors par le professeur Giuseppe Pini. En 2015, il achève son doctorat à l’EPFL sous la direction de Vincent Kaufmann, titre de sa thèse : « Cadres de vie, modes de vie et mobilités de loisirs : les vertus de la ville compacte remises en cause ? ». Sébastien Munafò dirige à Genève la filiale suisse du bureau de recherche et d’études « 6-t » spécialisé sur la mobilité et les modes de vie. Photo AC

Extrait de l’article paru dans le Journal SEV, septembre 2019.

« Malheureusement les CFF se bureaucratisent un peu trop… »

Malgré une pétition qui a rassemblé plus de 1400 signatures, le guichet de la gare de Villeneuve a fermé ses portes et son chef de gare a pris sa retraite.

Le chef de gare de Villeneuve ne s’attendait pas à ce que son dernier jour de travail devienne un événement public et médiatique. Chronologie des événements. Le 5 avril 2017, les habitants de Villeneuve reçoivent dans leur boîte aux lettres un prospectus des CFF. Presque tout le monde croit que c’est de la publicité. Mais quelques citoyennes perspicaces ont attentivement lu le texte. Elles ont compris que les CFF annonçaient la fermeture du guichet de leur gare au soir du vendredi 21 avril. Un mouvement citoyen spontané lance une pétition pour demander aux CFF de maintenir le guichet ouvert. Cette pétition, qui a récolté plus de 1400 signatures en deux petites semaines, a été remise précisément le 21 avril à deux responsables CFF. Les pétitionnaires avaient convoqué les médias. Ils ont dénoncé cette suppression d’un service public cher à la population. Une plaque a même été posée contre le mur de la gare avec l’inscription « Place des guichetiers : 156 ans de présence appréciée ». Mais les CFF campent sur leur position, après plus d’un siècle et demi, la gare de Villeneuve ne sera plus desservie par du personnel CFF.

Les pétitionnaires, accompagnés par une septantaine de personnes, ont profité de cette manifestation pour dire toute l’estime qu’ils avaient pour leur désormais ex chef de gare et pour lui souhaiter une bonne retraite. « M. Rochat nous aidait à passer d’un quai à l’autre avec nos poussettes et nos bagages » a témoigné une jeune mère. Un collier de fleurs lui a été posé autour du cou.

« Je ne m’attendais vraiment pas à une telle marque de reconnaissance de la part de mes clientes et clients » commente Paul Rochat. « A Villeneuve j’ai toujours essayé de réparer les bidons. Dans mon travail, les clients passaient en premier, c’est du reste le cas pour la plupart de mes collègues cheminots. Malheureusement les CFF se bureaucratisent un peu trop… »

Article paru dans contact.sev, mai 2017.

 

A l'occasion de son départ à la retraite, le chef de gare Paul Rochat a été fêté par les usagers CFF de Villeneuve et environs. A l’occasion de son départ à la retraite, le chef de gare Paul Rochat a été fêté par les usagers CFF de Villeneuve et environs.  Photo Jacky Préti

Daniel Mange : « La beauté de la vitesse »

 « La splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. » Citation de l’écrivain italien Filippo Tommaso Marinetti que Daniel Mange a placée en exergue de son livre « Plan Rail 2050 », un plaidoyer pour la grande vitesse ferroviaire.

Mange
Photo DR

 Pourquoi plaidez-vous pour la vitesse ferroviaire ?
Parce que je rêve d’une Suisse qui soit pleinement intégrée au réseau européen à grande vitesse, avec des dessertes rapides entre les principales villes de notre pays. La grande vitesse ferroviaire est malheureusement ignorée, alors qu’elle serait un formidable facteur d’intégration pour la Suisse et elle nous rapprocherait des grandes villes européennes. Cette vision me crève les yeux !

Quelle solution préconisez-vous ?
Une ligne grande vitesse ouest-est Genève – St-Gall et une ligne grande vitesse nord sud Bâle – Chiasso.

Pratiquement, par quel chantier il faudrait commencer ?
Il faut construire une ligne à haute vitesse entre Genève et Lausanne (qui éviterait aux trains de franchir 22 gares et 60 aiguillages) et une ligne haute vitesse entre Roggwil et Altstetten. Le trafic sur ces deux tronçons est excessivement surchargé et ne permet pas la grande vitesse.

La grande vitesse a un coût très élevé, comment pensez-vous la financer ?
Il existe par exemple la Banque européenne d’investissement et le partenariat public-privé. N’oublions pas que le premier tunnel ferroviaire du Gothard a été construit il y a plus de 140 ans essentiellement avec des capitaux allemands et italiens.

Interview parue dans contact.sev, février 2013.

Nuria Gorrite : « Je suis très attachée au partenariat social dans les transports publics »

Depuis l’été 2012, Nuria Gorrite est conseillère d’Etat vaudoise, cheffe du Département des infrastructures et des ressources humaines.


Quel objectif voulez-vous atteindre dans votre fonction de ministre des transports ?
Je plaide pour que l’on n’oppose pas transports publics et transports individuels. Nous sommes tous des multiusagers. L’objectif des services que je dirige est simple : nous devons relier le territoire pour permettre aux gens d’être reliés entre eux.

Votre avis sur le partenariat social au sein des transports publics ?
Je suis fille de syndicaliste. Je suis naturellement très attachée au partenariat et au dialogue social dans le secteur des transports publics à l’instar de tous les autres secteurs économiques. Je suis aussi attachée au service public. Et pour que ce service soit de qualité, il est indispensable que le personnel puisse travailler dans de bonnes conditions. C’est aux partenaires sociaux de dialoguer entre eux et d’arriver à des accords.

Quid des économies budgétaires qui se font sur le dos du personnel ?
Les entreprises de transport public sont dans un champ de tension : d’un côté elles doivent fournir des prestations de qualité au meilleur prix, de l’autre côté elles doivent offrir de bonnes conditions de travail à leurs employés, tout en veillant à ce que la sécurité soit rigoureusement assurée. Toutefois, si une entreprise se trouve dans des contraintes budgétaires telles qu’elle n’a plus les moyens de garantir sa mission, envers les usagers et son personnel, l’Etat doit alors intervenir.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, janvier 2013.

Michel Jaboyedoff: « Plus de la moitié des glissements de terrain sont générés par l’homme »

En Suisse, les principales lignes ferroviaires sont généralement bien construites et bien protégées pour résister aux dangers naturels. Cependant, l’occupation grandissante du sol et le réchauffement climatique augmentent les risques de catastrophes naturelles. Le professeur lausannois Michel Jaboyedoff, spécialiste de la gestion des risques environnementaux, a effectué plusieurs études scientifiques sur ces phénomènes de dégradation de notre milieu naturel.

Quels sont les dangers naturels qui menacent les lignes ferroviaires de notre pays?
Comme toute construction, le réseau ferré helvétique est menacé par plusieurs dangers naturels: éboulements, glissements de terrain, inondations, érosions, sans parler des tempêtes et des avalanches… Mais je tiens à préciser que les grandes lignes ferroviaires suisses font l’objet d’importantes mesures de protection et de sécurité. Les chemins de fer de montagne des entreprises de transport concessionnaires (ETC) sont naturellement plus exposés. Ils parcourent des zones à plus grands risques sur des pentes souvent très raides.

Vous dites que les grandes lignes ferroviaires sont bien protégées, mais sur la ligne du Gothard, les glissements de terrain ne sont pas rares.
En matière de dangers naturels le risque zéro n’existe pas. Le passage du Gothard est un véritable Emmental notamment à cause des fortifications créées par l’armée, ce qui augmente le risque de chutes de blocs et glissements de terrain.

Vous voulez dire que c’est l’intervention de l’être humain qui est responsable des éboulements qui surviennent sur la ligne du Gothard ?
En partie oui, et pas uniquement au Gothard. Les constructions de routes et de bâtiments sur des zones pentues provoquent des concentrations d’eau qui peuvent à leur tour engendrer des glissements de terrain. Il y a tout simplement plus souvent des glissements de terrain là où l’activité humaine favorise des concentrations d’eaux. A l’heure actuelle, plus de la moitié des glissements de terrain enregistrés en Suisse, sont générés par l’homme. Dans notre pays, la densité de la population augmente tout comme la valeur des constructions et des biens. En cas de catastrophe naturelle, l’ampleur des dégâts augmente. C’est pour cela que nous tendons vers une gestion intégrée du risque pour limiter les coûts et les dommages.

Quelle est selon vous la principale faiblesse au niveau de la prévention des risques ?
Elaborer de belles cartes indicatives des dangers liés aux avalanches, aux chutes de pierres, aux glissements de terrain et aux laves torrentielles comme nous le faisons dans les universités et les bureaux d’études c’est bien, les mettre en adéquation avec les plans d’aménagement du territoire serait mieux !

Y a-t-il un gros problème de ce côté-là ?
La classe politique manque de courage. Il faut prendre ses responsabilités : si une zone est à risque, il ne faut pas céder aux intérêts des promoteurs immobiliers, ni aux autorités locales qui sont prêtes à délivrer un permis de construire à l’aveuglette. Cependant, il faut le dire, nous sommes de plus en plus contraints d’effectuer des prises de risques pondérées, de construire là où des risques d’avalanches ou d’inondations existent. Cela doit se savoir et des mesures de protection doivent être prises. La communication est un outil de prévention.

Est-ce que cette prise de risque pondérée serait également envisageable pour des dangers qui menaceraient des tronçons de voies ferrées ?
Bien sûr. J’effectue au Canada une étude géologique sur la ligne ferroviaire touristique du Massif de Charlevoix conduisant de Québec à La Malbaie le long du fleuve St-Laurent. Par endroits des chutes de blocs menacent. Au lieu de construire des ouvrages d’art qui coûteraient des sommes colossales, j’ai proposé que l’on mette en place un système de vidéosurveillance géologique qui puisse alerter le service d’exploitation et le mécanicien qui pilote le train afin de d’arrêter le convoi au cas où des blocs menacent réellement de tomber sur la voie. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne construira jamais des ouvrages de protection. Mais comme les collectivités publiques sont financièrement sollicitées de toutes parts, des systèmes temporaires de vidéosurveillance pourraient faire l’affaire en attendant la construction d’ouvrages de protection.

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Photo AC

BIO
Michel Jaboyedoff est né le 8 février 1962 à Lausanne. Diplômé en géologie, détenteur d’une licence en physique, il a défendu son doctorat en minéralogie sur le métamorphisme des Alpes en Suisse occidentale. Marié, père de deux fils, il est domicilié à Lausanne. Le professeur Michel Jaboyedoff a mené des recherches sur les glissements de terrains dans plusieurs pays. Il a créé la Fondation Quanterra (Centre international sur les dangers naturels et risques en milieu montagneux).

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, septembre 2012.

 

 

Roger Nordmann : « Oui, même sans le nucléaire, les trains pourront circuler sans problèmes ! »

Roger Nordmann, conseiller national vaudois PS et vice-président de l’ATE (Association transports et environnement) milite pour l’abandon du nucléaire et préconise le développement des énergies renouvelables.

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Roger Nordmann. Photo AC

 Est-ce que tous les trains pourront circuler en Suisse dès 2025 s’il ne devait plus y avoir de centrales nucléaires dans notre pays, et bien entendu sans devoir acheter à l’étranger de l’énergie électrique produite par des centrales nucléaires ?
Oui, les trains circuleront sans problèmes. Par contre, la question de savoir d’où viendra le courant dépend principalement de la politique que la Suisse mènera. En effet, les transports publics ne consomment que 5% de l’ensemble du courant. Ce que nous préconisons au PS, pour l’ensemble du pays, c’est un approvisionnement essentiellement indigène et entièrement fondé sur les énergies renouvelables. Si la Suisse prend activement ce virage, le courant acheté par les CFF sera nécessairement propre. Par contre, si l’on ne prend pas les mesures nécessaires, la Suisse, et les CFF avec, risque de dépendre de courant importé, plus probablement d’origine charbonnière que nucléaire. Ce serait désastreux.

 Comment le très dense réseau ferroviaire helvétique pourra-t-il fonctionner sans l’énergie produite par les centrales nucléaires ?
En poursuivant leur stratégie d’investissement dans des capacités de production, les CFF font le bon choix. A l’avenir, le principal potentiel des CFF est le photovoltaïque. Les CFF disposent en effet d’énormes surfaces : toits des gares, marquises, hangars, façades, talus, murs antibruit, paravalanches, toits des trains, etc. Les investissements dans le pompage-turbinage, comme au Nant-de-Dranse dans la vallée du Trient (VS), sont également indispensables. Ils permettent de stocker temporairement l’électricité pour couvrir les besoins de pointe. Le pompage permet aussi d’acquérir des surplus de courant nocturne bon marché, par exemple d’origine éolienne. Reste la question du réseau CFF à haute tension : il faut le renforcer et améliorer l’interfaçage avec le réseau électrique ordinaire.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, avril 2011.