Jacques Zulauf, rescapé du coronavirus

Ancien porte-parole des CFF et ancien secrétaire de la section des retraités SEV de Fribourg, Jacques Zulauff, 71 ans, a été infecté par le coronavirus. Il vient de regagner son domicile de Payerne après 3 mois d’hospitalisation dont 16 jours dans le coma artificiel. Témoignage.

Le dimanche 22 mars Jacques Zulauff fait un malaise à son domicile. Le lendemain matin son épouse le conduit à l’hôpital de Payerne. Il a les symptômes du coronavirus. Trois tests consécutifs s’avèrent négatifs. C’est finalement au sixième jour de son hospitalisation que le quatrième test s’est révélé positif. On transfère Jacques du service de médecine à celui des soins intensifs. Coma artificiel.
Les premières lignes du journal de bord tenu par le service des soins intensifs décrivent le suivi médical apporté à Jacques Zulauff. « Vous êtes relié à une machine par un tube placé dans votre bouche pour pouvoir respirer. Vous recevez aussi des médicaments en continu par la veine afin de vous faire dormir. Vous avez fait beaucoup de fièvre, jusqu’à 40 degrés. Nous vous massons régulièrement pour vous éviter des rougeurs. Même si vous n’êtes pas conscient, nous discutons avec vous pour vous expliquer nos gestes. Votre famille vous a écrit et vos petits-enfants vous ont fait des dessins que nous avons affichés dans votre chambre. Ce n’est pas facile pour votre famille de ne pas pouvoir venir vous voir à cause de ce virus, mais nous faisons tout pour les tenir au courant de la situation. Continuez à vous battre ! »

Des infirmières engagées
Jusqu’au jour de son malaise, l’ancien porte-parole des CFF menait une vie associative et sportive plutôt intense. Père de 4 enfants et grand-père de deux petits-enfants, il a subi il y a une quinzaine d’années un triple pontage coronarien. Il faisait partie des personnes à risques. Jacques Zulauff ne sait pas comment il l’a attrapé ce Covid-19. Plongé dans un coma artificiel, il s’est battu contre un virus pour lequel il n’existe pas de vaccin et qui a déjà terrassé des centaines de milliers d’êtres humains. Au fil des pages du journal de bord, on admire le travail et l’humanité des infirmières de l’hôpital de Payerne. Une infirmière a écrit le 31 mars : « Je vous parle régulièrement pour vous expliquer votre environnement. J’essaie de vous rassurer. J’ai posé le téléphone sur votre cœur pendant 5 minutes… cela a fait du bien à votre fille. Vous avez reçu des photos et un poème que je vous ai lu à haute voix (moment très émouvant pour moi) ! Il faut vous battre. Je mets en place tous les soins possibles pour que votre état s’améliore ». Quelques jours plus tard la situation ne s’améliore toujours pas : « Ce virus est encore bien présent au niveau de vos poumons, cela nécessite de vous garder toujours sous respirateur artificiel et sédatif pour vous rendre cette situation confortable au possible. Le souci qui se rajoute c’est une insuffisance rénale. La nutrition s’écoule dans l’estomac avec une sonde afin de vous apporter les calories nécessaires pour mener le combat. »

Le tournant
Ouf, le week-end de Pâques la situation s’améliore enfin. « Cela fait vraiment plaisir de constater que les efforts de tous (vous y compris !) vous apportent du bénéfice. Nous allons essayer, car cela ne se fera pas en quelques heures malheureusement, de vous réveiller en douceur. Nous sommes très présents pour vous rassurer, vous réorienter et pour vous informer que votre fils vous appelle chaque jour. Mais cela n’empêche en rien des sensations désagréables avec les positions, les cathéters et les petites plaies dans votre bouche. On essaie de faire les soins en douceur et votre visage reste détendu ce qui nous rassure. La dialyse est stoppée ce matin afin de voir l’autonomie de vos reins. Allez, courage, on avance… »
Cinq jours plus tard la partie n’est toujours pas gagnée, mais la sortie du coma est amorcée : « Le sevrage ventilatoire se poursuit lentement mais vous avez énormément de sécrétions et vous respirez toujours très vite. Votre tension fait des siennes, elle monte, elle monte, du coup je ne peux pas arrêter complètement votre sédation. » Une semaine passe et l’état de santé de Jacques Zulauff s’améliore cette fois-ci de manière sensible : « La journée a été fructueuse. Vous bougez de mieux en mieux. Je vous ai lu les lettres de votre famille, ça vous a fait vraiment plaisir. J’ai l’impression que vous vous battez. Vous êtes très courageux ! Vous avez aussi regardé une vidéo de vos petits-enfants. On tient le bon bout ! ».

« Ce n’était pas mon heure »
Le 7 mai, après 44 jours de séparation, Jacques Zulauff peut enfin revoir son épouse. Sur le journal de bord, une photo prise par l’infirmière de service montre le couple enfin réuni. Heureux. Une semaine plus tard notre patient quittera les soins intensifs pour retourner au service de médecine. Le 20 mai, après avoir séjourné 58 jours à l’hôpital de Payerne, Jacques Zulauff est transféré à l’hôpital d’Estavayer-le-Lac (une entité appartenant comme l’hôpital de Payerne à l’Hôpital intercantonal de la Broye). A Estavayer Jacques Zulauff a effectué 4 semaines de rééducation avant de pouvoir regagner son foyer familial. Au total il a été hospitalisé près de 3 mois ! « Un médecin m’a dit « Monsieur Zulauff, vous aurez très bien pu vous en aller ». Ça fait quand même drôle de s’entendre dire ça. Faut croire que ce n’était pas mon heure. »

Article paru dans le Journal SEV, juin 2020.

Un Jacques Zulauff heureux. Il revient de loin. Photo AC

Etat des lieux des navettes autonomes en Suisse romande

C’est à l’EPFL que les premières navettes autonomes ont été testées en Suisse romande. Puis elles ont été mises en service successivement à Sion, Marly, Meyrin et, prochainement, à Cossonay. De plus, à Genève, une navette autonome avec arrêt sur demande est sur le point d’être lancée.

Photo Jo Berset

En Suisse romande, comme partout ailleurs dans notre pays, les navettes autonomes ne sont pas (encore) une success-story. Malgré tout, les opérateurs persévèrent. Petit tour d’horizon des projets pilotes romands autorisés ou en voie d’autorisation par l’OFROU (Office fédéral des routes). Toutes les navettes autonomes romandes sortent de l’usine française Navya.

2016 : CarPostal à Sion
CarPostal a mis en circulation en juin 2016 dans la vieille ville de Sion 2 navettes autonomes. Ce printemps l’expérience a été interrompue pour une durée indéterminée. Selon Valérie Gerl, porte-parole de CarPostal, « la décision a été prise pour endiguer la propagation du coronavirus, la petite taille des véhicules ne permettant pas la distance suffisante entre les voyageurs ; mais d’ici le prochain changement d’horaire, sous réserve de l’autorisation de l’OFROU, les navettes autonomes relieront la gare de Sion au Centre commercial d’Uvrier ».

2017 : les TPF à Marly
En été 2017 c’était au tour des TPF (Transports publics fribourgeois) de se lancer dans l’aventure des navettes autonomes sur le territoire de la commune de Marly. Pour Laura Andres, responsable du projet, l’expérience est mitigée (lire l’encadré ci-contre), et elle prendra fin en décembre 2021. « Pour la suite, nous n’avons pour l’instant pas défini d’autre projet concret. Par contre, nous échangeons régulièrement avec les autres entreprises de transports publics impliquées dans la mobilité autonome et nous essayons de développer ce thème ensemble » relève Laura Andres.

2018 : les TPG à Meyrin…
C’est en juin 2018 que les TPG (Transport publics genevois) ont mis en circulation leurs navettes autonomes dans le centre de Meyrin. L’expérience a été suspendue dès le mois de mars à cause de la pandémie. Les navettes ont repris leur service le lundi 24 août.

… et prochainement à Thônex
Les TPG sont sur le point de mettre en service un deuxième projet pilote en collaboration avec l’Université de Genève et les HUG (Hôpitaux universitaires genevois). Des navettes autonomes avec arrêt sur demande – et non forcément sur des haltes prédéfinies – circuleront dans le vaste périmètre de l’Hôpital psychiatrique Belle-Idée à Thônex. Il faudra télécharger une application sur son smartphone pour pouvoir commander la navette comme on commande un taxi. François Mutter, porte-parole des TPG, précise que « les travaux préparatoires avancent bien et d’ici quelques mois le projet pilote sera opérationnel, il a déjà reçu l’aval de l’OFROU ».

Les MBC sur les starting-blocks
Dans leur dépôt, les MBC (Transports de la région Morges – Bières – Cossonay) ont 2 navettes qui n’attendent qu’à être mises en service à Cossonay pour relier la halte du funiculaire au vieux bourg. François Gatabin, directeur des MBC, souligne que des discussions sont en cours entre les différents partenaires, dont le canton de Vaud, dans le but de trouver un accord en vue de lancer le projet pilote.

A Marly le « bilan social » est meilleur que le bilan technique

Laura Andres est responsable du projet des navettes autonomes qui ont été mises en circulation par les TPF il y a 3 ans. Interview.

Quel bilan tirez-vous de votre projet pilote ?
Le bilan est plutôt mitigé car nous nous sommes rendus compte que la technologie n’était pas aussi avancée que ce que nous pensions. En effet, nous avons rencontré passablement de problèmes avec le parcours des navettes. Par exemple, la végétation changeante et la météo capricieuse (neige, pluie) sont des paramètres qui perturbent l’exploitation des navettes. Les véhicules sont des prototypes et par conséquence, des améliorations techniques doivent encore être développées. Par contre, le bilan social est très bon. Les usagers ont très bien accueilli ce nouveau type de véhicules et l’utilisent comme un transport public « normal ».

Quelles sont vos perspectives ?
Nous avons obtenu ce printemps, l’autorisation de la part de la Confédération pour prolonger l’essai. L’idée est de faire circuler les navettes jusqu’au changement d’horaires de décembre 2021. A partir de là, une ligne de bus « conventionnelle » desservira le Marly Innovation Center (MIC) car les premiers habitants auront emménagé sur le site et que la capacité des deux navettes (11 places chacune) ne sera plus suffisante.

Qui a pris en charge l’achat de ces navettes et quel en est le coût ?
L’Etat de Fribourg et le MIC ont pris en charge chacun le prix d’un véhicule, soit environ 250’000 francs la navette.

Qui assume financièrement leur exploitation ?
L’exploitation est financée par les commanditaires, soit l’Agglomération de Fribourg et le Canton.

Article paru dans le Journal SEV, septembre 2020.

« Il faut mettre fin à notre modèle multimodal gentil »

En Suisse, les pouvoirs publics dépensent énormément d’argent pour les transports publics. Mais ces derniers peinent à gagner des parts de marché. Une étude conduite par Sébastien Munafò, Dr ès sciences et géographe au sein du bureau genevois de recherche « 6-t », montre les limites de notre modèle multimodal. L’étude de M. Munafò propose des pistes d’action pour gagner du terrain sur les transports individuels motorisés.

Les chiffres sont parlants. En 2010, les Suisses effectuaient le 12% de leurs déplacements en transports publics. Cinq ans plus tard, en 2015, la part des transports publics passait à… 13%. Un seul petit pourcent de gain en 5 ans alors que les collectivités publiques dépensent toujours plus pour promouvoir les transports en commun. Un état de fait qui inquiète tant la LITRA, l’UTP que l’Office fédéral du développement territorial, les trois commanditaires de l’étude pilotée par Sébastien Munafò.

Monsieur Munafò, votre étude révèle un paradoxe : les collectivités suisses investissent beaucoup d’argent dans les transports publics mais les gains en parts de marché sont minimes. Avez-vous une explication ?
Objectivement, au niveau mondial, la Suisse est un bon élève en matière de transports publics voyageurs. Toutefois, il y a le réel danger de se reposer sur nos lauriers. En effet, dans notre pays on s’intéresse aux nombre de kilomètres parcourus en transports publics par personne. Tandis que dans notre étude nous nous sommes intéressés au nombre de déplacements que les personnes effectuent avec les transports publics. Et c’est là que ça pêche.

C’est-à-dire ?
La mobilité c’est une activité. Un déplacement correspond à une activité. Et en Suisse, le nombre de déplacements en transports publics évolue que très faiblement malgré les énormes investissements consentis pour les transports publics. Le report modal est extrêmement faible.

Pourquoi ?
Parce que pour les loisirs et pour les achats, la voiture reste incontestablement la reine. Et vu que le nombre de déplacements pour les loisirs et pour les achats est nettement supérieur au nombre de déplacements professionnels, le report modal stagne. Cela étant dit, pour aller au travail, on a de plus en plus tendance à prendre les transports publics et aller plus loin.

Quelles solutions préconisez-vous ?
En Suisse on est encore trop attaché au modèle multimodal gentil, bienveillant avec tous les modes. On va au travail en train, cela donne bonne conscience, et on fait tout le reste en voiture. Nous devons nous attaquer à ces marchés importants que sont les loisirs et les achats. Dans notre étude nous proposons d’agir simultanément dans trois domaines : le territoire, l’offre et la demande pour générer un cercle vertueux dans l’utilisation des transports publics (lire ci-dessous le texte « Des décisions concrètes pour gagner des parts de marché »).

L’actuelle vague de protestations contre le changement climatique, dont le transport individuel est l’une des causes, favorisera-t-elle l’utilisation des transports publics ?
Cette prise de conscience sur le climat devrait logiquement déboucher sur une plus large utilisation des transports publics. J’y crois parce que les Suisses sont attachés à la protection de leur environnement.

Est-ce que la déshumanisation des transports publics ne serait-elle pas une des causes de ce très faible report modal ?
Certainement qu’il s’agit d’un facteur à prendre en compte. Cela rassure les usagers des transports publics d’avoir du personnel dans les gares et sur les trains. Ce qui est très important, c’est l’information en temps réel. Par exemple, s’il y a un retard dû à une panne ou à des travaux, les voyageurs souhaitent être rapidement informés de la cause du retard et des conséquences éventuelles sur la suite du trajet, et ceci par du personnel en chair et en os et pas par des annonces robotisées.

Etes-vous plutôt optimiste ou plutôt pessimiste au sujet du report modal ?
Je suis plutôt optimiste car il y a une tendance générale des politiques publiques à encourager les modes de transports collectifs. Mais pour atteindre cet objectif il ne faut pas se leurrer. A terme, il faudra mettre fin à notre modèle multimodal gentil, qui fait que l’on choisit le train pour aller travailler mais pour tous les autres déplacements l’on préfère la voiture. Il faut commencer à opposer les modes.

L’étude est disponible en ligne : https://litra.ch/fr/publication/la-repartition-modale-du-transport-de-voyageurs-en-suisse

 

Comment les transports publics peuvent-ils gagner des parts de marché?

Si on veut promouvoir avec davantage de succès l’utilisation des transports publics et surtout si on veut gagner des parts de marché par rapport à la mobilité individuelle motorisée, l’étude conduite par Sébastien Munafò préconise de s’attaquer simultanément aux trois grands domaines que sont le territoire, l’offre et la demande. Cette attaque doit se faire de deux manières pour chacun de ces trois domaines : d’une part, en prenant des mesures incitatives pour encourager l’usage des transports publics; d’autre part en décourageant ou du moins en rendant moins attractif l’usage de la voiture individuelle. Par exemple, en ce qui concerne le territoire, il s’agit de favoriser les sites propres pour les transports publics et restreindre certains accès aux voitures. Pour ce qui est de l’offre, il faut augmenter les vitesses commerciales et augmenter le prix des carburants. Quant à la demande, il y aurait lieu de subventionner des abonnements et restreindre l’offre de stationnement tant sur les lieux d’achats que de loisirs.

Sébastien Munafò, 35 ans, a grandi à Tramelan (BE). « Les trains des CJ passaient sous nos fenêtres. C’est de là qu’est né mon goût pour le monde des transports. » Après une licence de géographie à l’Université de Neuchâtel, il séjourne 18 mois à Berlin chez BMW où il a travaillé au sein d’une plateforme de réflexion sur la mobilité. De retour en Suisse, il intègre l’Observatoire de la mobilité de l’Université de Genève dirigé alors par le professeur Giuseppe Pini. En 2015, il achève son doctorat à l’EPFL sous la direction de Vincent Kaufmann, titre de sa thèse : « Cadres de vie, modes de vie et mobilités de loisirs : les vertus de la ville compacte remises en cause ? ». Sébastien Munafò dirige à Genève la filiale suisse du bureau de recherche et d’études « 6-t » spécialisé sur la mobilité et les modes de vie. Photo AC

Extrait de l’article paru dans le Journal SEV, septembre 2019.

« Malheureusement les CFF se bureaucratisent un peu trop… »

Malgré une pétition qui a rassemblé plus de 1400 signatures, le guichet de la gare de Villeneuve a fermé ses portes et son chef de gare a pris sa retraite.

Le chef de gare de Villeneuve ne s’attendait pas à ce que son dernier jour de travail devienne un événement public et médiatique. Chronologie des événements. Le 5 avril 2017, les habitants de Villeneuve reçoivent dans leur boîte aux lettres un prospectus des CFF. Presque tout le monde croit que c’est de la publicité. Mais quelques citoyennes perspicaces ont attentivement lu le texte. Elles ont compris que les CFF annonçaient la fermeture du guichet de leur gare au soir du vendredi 21 avril. Un mouvement citoyen spontané lance une pétition pour demander aux CFF de maintenir le guichet ouvert. Cette pétition, qui a récolté plus de 1400 signatures en deux petites semaines, a été remise précisément le 21 avril à deux responsables CFF. Les pétitionnaires avaient convoqué les médias. Ils ont dénoncé cette suppression d’un service public cher à la population. Une plaque a même été posée contre le mur de la gare avec l’inscription « Place des guichetiers : 156 ans de présence appréciée ». Mais les CFF campent sur leur position, après plus d’un siècle et demi, la gare de Villeneuve ne sera plus desservie par du personnel CFF.

Les pétitionnaires, accompagnés par une septantaine de personnes, ont profité de cette manifestation pour dire toute l’estime qu’ils avaient pour leur désormais ex chef de gare et pour lui souhaiter une bonne retraite. « M. Rochat nous aidait à passer d’un quai à l’autre avec nos poussettes et nos bagages » a témoigné une jeune mère. Un collier de fleurs lui a été posé autour du cou.

« Je ne m’attendais vraiment pas à une telle marque de reconnaissance de la part de mes clientes et clients » commente Paul Rochat. « A Villeneuve j’ai toujours essayé de réparer les bidons. Dans mon travail, les clients passaient en premier, c’est du reste le cas pour la plupart de mes collègues cheminots. Malheureusement les CFF se bureaucratisent un peu trop… »

Article paru dans contact.sev, mai 2017.

 

A l'occasion de son départ à la retraite, le chef de gare Paul Rochat a été fêté par les usagers CFF de Villeneuve et environs. A l’occasion de son départ à la retraite, le chef de gare Paul Rochat a été fêté par les usagers CFF de Villeneuve et environs.  Photo Jacky Préti

Déjà le 11% des Romands renoncent à se faire soigner !

L’augmentation des primes de l’assurance-maladie de 4,7% pour les adultes vaudois va provoquer un dégât collatéral que nous aurions tort de sous-estimer : de plus en plus de Vaudois devront renoncer aux soins médicaux. L’année passée, une étude de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne pilotée par les médecins et professeurs Patrick Bodenmann et Thomas Bischoff, révélait que déjà le 11% des Romands renoncent à se faire soigner (le 70% étant de nationalité suisse).

Pourtant ces personnes sont bel et bien assurées. Mais par manque de moyens financiers elles ne peuvent pas aller chez leur médecin, encore moins consulter des spécialistes, elles doivent se priver de médicaments, etc. parce qu’elles n’ont pas suffisamment d’argent pour payer la franchise et la quote-part de 10% sur les coûts des soins et des médicaments.

Lorsque l’on sait que la prime de base moyenne varie de 326,70 francs (Appenzell Rhodes-Intérieures) à 545,61 francs (Bâle-Ville) – 60% d’écart ! – il me semble logique qu’il faut soutenir le projet d’une caisse publique cantonale. En maîtrisant mieux les coûts de la santé au niveau du canton l’on pourra mieux combattre la tendance d’une médecine à deux vitesses qui voit déjà le 11% des Romands devoir renoncer à se faire soigner.

Alberto Cherubini, 28 septembre 2015.

 

 

 

 

 

 

La roue de l’histoire des migrations tourne

La commune de Finhaut (VS) consacre ces mois-ci une exposition à Geneviève Lugon-Moulin. Au début du 19e siècle cette veuve décida de quitter Finhaut avec ses 5 enfants pour émigrer au Brésil. Dans sa vallée du Trient elle ne réussissait plus à joindre les deux bouts.

Le 1er juillet 1819, Geneviève Lugon-Moulin et les autres candidats du Valais et du Chablais à l’exil se sont rassemblées à Bex pour préparer le long et difficile voyage vers les Pays-Bas d’où des navires allaient les transporter vers l’Amérique du Sud. Geneviève Lugon-Moulin traversa l’océan Atlantique avec quelque 2000 autres émigrés helvètes pour s’installer au Brésil. Ainsi la Suisse pouvait se débarrasser de ses pauvres… et les colons portugais étaient satisfaits de voir arriver une main-d’œuvre européenne qui leur permettait de s’accaparer d’une terre jusque-là occupée par des tribus indiennes… Mais ça c’est une autre histoire…

La commune de Bex – qui avait accueilli le 1er juillet 1819 Geneviève Lugon-Moulin avec les autres candidats valaisans et chablaisiens à l’émigration – a vu 187 ans plus tard, le 26 novembre 2006, la majorité de ses citoyens voter oui à l’initiative communale de l’UDC qui demandait la fermeture du centre de requérants d’asile (malgré ce vote, le Conseil d’Etat vaudois a décidé de maintenir à Bex le foyer de l’EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants).

A l’heure où l’afflux d’immigrés en Europe atteint des pics jamais atteints depuis la Seconde Guerre mondiale, il est bon de se rappeler que la Suisse a été un pays d’émigration. C’est le grand mérite de l’exposition « Geneviève d’une Terre à l’autre… » que l’on peut visiter à la Galerie Victoria à Finhaut jusqu’au 10 janvier 2016. www.expogenevieve.ch

Alberto Cherubini, 2 septembre 2015.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alain Berset : « Dans le débat sur les retraites, il faut dépasser la confrontation ! »

Berset
Photo Unia

Vous proposez de réformer conjointement l’AVS et le 2e pilier. Ne prenez-vous pas le risque de démanteler les assurances sociales ?
Au contraire : seule une réforme globale des 1er et 2e piliers va permettre d’améliorer la transparence et donc la confiance et de maintenir le niveau de prestations. Les deux piliers ont fondamentalement le même problème. A moyen et long terme ils ne sont pas suffisamment financés. Pour le Conseil fédéral, un démantèlement des assurances sociales est exclu. Pour les rentes de l’assurance vieillesse obligatoire, aucune baisse n’est envisagée. Le niveau actuel des rentes doit être maintenu.

L’AVS comporte une forte composante de solidarité. Les actifs sont toujours davantage sollicités pour financer les rentiers, sans savoir s’ils bénéficieront de bonnes prestations lorsqu’ils seront retraités. Le système a-t-il atteint ses limites ?
C’est justement pour cette raison que nous avons besoin d’une réforme. Il faut restaurer la confiance des citoyennes et des citoyens, en particulier des jeunes générations. L’AVS repose sur un contrat qui lie les générations. Elle a été créée en 1948 mais a ensuite toujours été adaptée.

Est-ce judicieux de vouloir hausser l’âge de retraite des femmes à 65 ans, comme les hommes, alors que les femmes gagnent en moyenne 18% de moins que les hommes ?
L’égalité salariale n’est effectivement pas encore atteinte en Suisse et il faut que cela change. La prévoyance vieillesse ne doit cependant pas servir à ça en premier lieu. L’objectif est de maintenir le niveau de prestations, ce qui est déjà difficile.

Pour défendre votre projet de « Réforme de la prévoyance vieillesse 2020 » vous allez au-devant d’une confrontation avec la gauche. Cela ne vous embarrasse pas ?
N’oublions pas que la réforme est perçue du côté bourgeois de manière au moins aussi critique… Il faut dépasser la confrontation et instaurer un débat politique nécessaire dans l’optique d’une prévoyance vieillesse sûre et solidaire.

Extrait de l’interview d’Alain Berset, conseiller fédéral, au sujet de la Réforme de la prévoyance vieillesse 2020, contact.sev, octobre 2013.

Daniel Mange : « La beauté de la vitesse »

 « La splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. » Citation de l’écrivain italien Filippo Tommaso Marinetti que Daniel Mange a placée en exergue de son livre « Plan Rail 2050 », un plaidoyer pour la grande vitesse ferroviaire.

Mange
Photo DR

 Pourquoi plaidez-vous pour la vitesse ferroviaire ?
Parce que je rêve d’une Suisse qui soit pleinement intégrée au réseau européen à grande vitesse, avec des dessertes rapides entre les principales villes de notre pays. La grande vitesse ferroviaire est malheureusement ignorée, alors qu’elle serait un formidable facteur d’intégration pour la Suisse et elle nous rapprocherait des grandes villes européennes. Cette vision me crève les yeux !

Quelle solution préconisez-vous ?
Une ligne grande vitesse ouest-est Genève – St-Gall et une ligne grande vitesse nord sud Bâle – Chiasso.

Pratiquement, par quel chantier il faudrait commencer ?
Il faut construire une ligne à haute vitesse entre Genève et Lausanne (qui éviterait aux trains de franchir 22 gares et 60 aiguillages) et une ligne haute vitesse entre Roggwil et Altstetten. Le trafic sur ces deux tronçons est excessivement surchargé et ne permet pas la grande vitesse.

La grande vitesse a un coût très élevé, comment pensez-vous la financer ?
Il existe par exemple la Banque européenne d’investissement et le partenariat public-privé. N’oublions pas que le premier tunnel ferroviaire du Gothard a été construit il y a plus de 140 ans essentiellement avec des capitaux allemands et italiens.

Interview parue dans contact.sev, février 2013.

Nuria Gorrite : « Je suis très attachée au partenariat social dans les transports publics »

Depuis l’été 2012, Nuria Gorrite est conseillère d’Etat vaudoise, cheffe du Département des infrastructures et des ressources humaines.


Quel objectif voulez-vous atteindre dans votre fonction de ministre des transports ?
Je plaide pour que l’on n’oppose pas transports publics et transports individuels. Nous sommes tous des multiusagers. L’objectif des services que je dirige est simple : nous devons relier le territoire pour permettre aux gens d’être reliés entre eux.

Votre avis sur le partenariat social au sein des transports publics ?
Je suis fille de syndicaliste. Je suis naturellement très attachée au partenariat et au dialogue social dans le secteur des transports publics à l’instar de tous les autres secteurs économiques. Je suis aussi attachée au service public. Et pour que ce service soit de qualité, il est indispensable que le personnel puisse travailler dans de bonnes conditions. C’est aux partenaires sociaux de dialoguer entre eux et d’arriver à des accords.

Quid des économies budgétaires qui se font sur le dos du personnel ?
Les entreprises de transport public sont dans un champ de tension : d’un côté elles doivent fournir des prestations de qualité au meilleur prix, de l’autre côté elles doivent offrir de bonnes conditions de travail à leurs employés, tout en veillant à ce que la sécurité soit rigoureusement assurée. Toutefois, si une entreprise se trouve dans des contraintes budgétaires telles qu’elle n’a plus les moyens de garantir sa mission, envers les usagers et son personnel, l’Etat doit alors intervenir.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, janvier 2013.

Michel Jaboyedoff: « Plus de la moitié des glissements de terrain sont générés par l’homme »

En Suisse, les principales lignes ferroviaires sont généralement bien construites et bien protégées pour résister aux dangers naturels. Cependant, l’occupation grandissante du sol et le réchauffement climatique augmentent les risques de catastrophes naturelles. Le professeur lausannois Michel Jaboyedoff, spécialiste de la gestion des risques environnementaux, a effectué plusieurs études scientifiques sur ces phénomènes de dégradation de notre milieu naturel.

Quels sont les dangers naturels qui menacent les lignes ferroviaires de notre pays?
Comme toute construction, le réseau ferré helvétique est menacé par plusieurs dangers naturels: éboulements, glissements de terrain, inondations, érosions, sans parler des tempêtes et des avalanches… Mais je tiens à préciser que les grandes lignes ferroviaires suisses font l’objet d’importantes mesures de protection et de sécurité. Les chemins de fer de montagne des entreprises de transport concessionnaires (ETC) sont naturellement plus exposés. Ils parcourent des zones à plus grands risques sur des pentes souvent très raides.

Vous dites que les grandes lignes ferroviaires sont bien protégées, mais sur la ligne du Gothard, les glissements de terrain ne sont pas rares.
En matière de dangers naturels le risque zéro n’existe pas. Le passage du Gothard est un véritable Emmental notamment à cause des fortifications créées par l’armée, ce qui augmente le risque de chutes de blocs et glissements de terrain.

Vous voulez dire que c’est l’intervention de l’être humain qui est responsable des éboulements qui surviennent sur la ligne du Gothard ?
En partie oui, et pas uniquement au Gothard. Les constructions de routes et de bâtiments sur des zones pentues provoquent des concentrations d’eau qui peuvent à leur tour engendrer des glissements de terrain. Il y a tout simplement plus souvent des glissements de terrain là où l’activité humaine favorise des concentrations d’eaux. A l’heure actuelle, plus de la moitié des glissements de terrain enregistrés en Suisse, sont générés par l’homme. Dans notre pays, la densité de la population augmente tout comme la valeur des constructions et des biens. En cas de catastrophe naturelle, l’ampleur des dégâts augmente. C’est pour cela que nous tendons vers une gestion intégrée du risque pour limiter les coûts et les dommages.

Quelle est selon vous la principale faiblesse au niveau de la prévention des risques ?
Elaborer de belles cartes indicatives des dangers liés aux avalanches, aux chutes de pierres, aux glissements de terrain et aux laves torrentielles comme nous le faisons dans les universités et les bureaux d’études c’est bien, les mettre en adéquation avec les plans d’aménagement du territoire serait mieux !

Y a-t-il un gros problème de ce côté-là ?
La classe politique manque de courage. Il faut prendre ses responsabilités : si une zone est à risque, il ne faut pas céder aux intérêts des promoteurs immobiliers, ni aux autorités locales qui sont prêtes à délivrer un permis de construire à l’aveuglette. Cependant, il faut le dire, nous sommes de plus en plus contraints d’effectuer des prises de risques pondérées, de construire là où des risques d’avalanches ou d’inondations existent. Cela doit se savoir et des mesures de protection doivent être prises. La communication est un outil de prévention.

Est-ce que cette prise de risque pondérée serait également envisageable pour des dangers qui menaceraient des tronçons de voies ferrées ?
Bien sûr. J’effectue au Canada une étude géologique sur la ligne ferroviaire touristique du Massif de Charlevoix conduisant de Québec à La Malbaie le long du fleuve St-Laurent. Par endroits des chutes de blocs menacent. Au lieu de construire des ouvrages d’art qui coûteraient des sommes colossales, j’ai proposé que l’on mette en place un système de vidéosurveillance géologique qui puisse alerter le service d’exploitation et le mécanicien qui pilote le train afin de d’arrêter le convoi au cas où des blocs menacent réellement de tomber sur la voie. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne construira jamais des ouvrages de protection. Mais comme les collectivités publiques sont financièrement sollicitées de toutes parts, des systèmes temporaires de vidéosurveillance pourraient faire l’affaire en attendant la construction d’ouvrages de protection.

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Photo AC

BIO
Michel Jaboyedoff est né le 8 février 1962 à Lausanne. Diplômé en géologie, détenteur d’une licence en physique, il a défendu son doctorat en minéralogie sur le métamorphisme des Alpes en Suisse occidentale. Marié, père de deux fils, il est domicilié à Lausanne. Le professeur Michel Jaboyedoff a mené des recherches sur les glissements de terrains dans plusieurs pays. Il a créé la Fondation Quanterra (Centre international sur les dangers naturels et risques en milieu montagneux).

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, septembre 2012.