Pour Dominique Biedermann, la rentabilité ne doit pas être l’unique critère pour le placement des capitaux

Directeur de la Fondation Ethos jusqu’en juin 2015, Dominique Biedermann a appelé les caisses de pension à faire face à leurs responsabilités en matière de placement des capitaux.

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Photo Ethos

De nombreuses caisses de pension sont en sous-couverture, les assurés actifs doivent payer des cotisations d’assainissement, les retraités voient leurs rentes stagner. Pour tous ces assurés, le placement éthique des capitaux du deuxième pilier n’est certainement pas le premier de leurs soucis…
L’investissement socialement responsable est totalement compatible avec une bonne rentabilité financière. Mais cette rentabilité ne doit pas être l’unique critère en matière de placement des capitaux.

Quels sont les autres critères dont il faut tenir compte ?
Aux membres d’Ethos nous proposons, au nom de l’investissement socialement responsable, de placer les capitaux dans des entreprises cotées en bourse qui s’engagent pour un management qui ne tienne pas uniquement compte des paramètres financiers, mais également sociaux, environnementaux et de gouvernance d’entreprise.

Comment vous vous y prenez pour atteindre vos objectifs ?
Les caisses de pension sont amenées à investir leurs capitaux dans trois catégories de placement : l’immobilier, les obligations et les actions. Ethos conseille les caisses de pension essentiellement au niveau des placements en actions. En achetant des actions d’une entreprise, les caisses de pension deviennent automatiquement actionnaires de cette entreprise. Ethos peut alors les assister dans l’exercice de leurs droits d’actionnaires que ce soit dans l’exercice des droits de vote ou dans le cadre d’un dialogue discret avec le management. Dans ce dernier cas, nous faisons valoir nos droits relatifs à la gouvernance de l’entreprise, ainsi qu’à sa politique environnementale et sociale.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, mai 2012.

 

 

 

Roger Nordmann : « Oui, même sans le nucléaire, les trains pourront circuler sans problèmes ! »

Roger Nordmann, conseiller national vaudois PS et vice-président de l’ATE (Association transports et environnement) milite pour l’abandon du nucléaire et préconise le développement des énergies renouvelables.

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Roger Nordmann. Photo AC

 Est-ce que tous les trains pourront circuler en Suisse dès 2025 s’il ne devait plus y avoir de centrales nucléaires dans notre pays, et bien entendu sans devoir acheter à l’étranger de l’énergie électrique produite par des centrales nucléaires ?
Oui, les trains circuleront sans problèmes. Par contre, la question de savoir d’où viendra le courant dépend principalement de la politique que la Suisse mènera. En effet, les transports publics ne consomment que 5% de l’ensemble du courant. Ce que nous préconisons au PS, pour l’ensemble du pays, c’est un approvisionnement essentiellement indigène et entièrement fondé sur les énergies renouvelables. Si la Suisse prend activement ce virage, le courant acheté par les CFF sera nécessairement propre. Par contre, si l’on ne prend pas les mesures nécessaires, la Suisse, et les CFF avec, risque de dépendre de courant importé, plus probablement d’origine charbonnière que nucléaire. Ce serait désastreux.

 Comment le très dense réseau ferroviaire helvétique pourra-t-il fonctionner sans l’énergie produite par les centrales nucléaires ?
En poursuivant leur stratégie d’investissement dans des capacités de production, les CFF font le bon choix. A l’avenir, le principal potentiel des CFF est le photovoltaïque. Les CFF disposent en effet d’énormes surfaces : toits des gares, marquises, hangars, façades, talus, murs antibruit, paravalanches, toits des trains, etc. Les investissements dans le pompage-turbinage, comme au Nant-de-Dranse dans la vallée du Trient (VS), sont également indispensables. Ils permettent de stocker temporairement l’électricité pour couvrir les besoins de pointe. Le pompage permet aussi d’acquérir des surplus de courant nocturne bon marché, par exemple d’origine éolienne. Reste la question du réseau CFF à haute tension : il faut le renforcer et améliorer l’interfaçage avec le réseau électrique ordinaire.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, avril 2011.

 

 

Yves Rossier : « C’est le travail qui fait la richesse de notre système social »

Yves Rossier, alors directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), m’avait reçu dans son bureau début 2011. Interrogé sur les assurances sociales, l’homme s’est exprimé à la vitesse d’un TGV… Voie 1, attention, départ !

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Yves Rossier. Photo PressClub


N’avez-vous pas l’impression que le 2e pilier ressemble à un casino plutôt qu’à un système de solidarités. Certains financiers jouent et gagnent gros avec le marché des capitaux, tandis que les employés cotisent et y laissent des plumes ?
Qualifier le 2e pilier de casino c’est un slogan. La situation actuelle se résume aux difficultés que nous rencontrons pour financer les prestations. Le Conseil fédéral et le Parlement avaient proposé d’abaisser le taux de conversion. Une solution refusée en votation populaire le 7 mars 2010. Il faudra trouver des solutions ailleurs. Mais si en parlant de casino vous pensez au frais administratifs des caisses de pensions, sachez que ces frais sont très faibles par rapport aux besoins d’argent. A l’OFAS, actuellement, nous préparons un rapport pour le Conseil fédéral dans lequel nous allons proposer des mesures pour améliorer la situation de notre prévoyance professionnelle. Parmi ces mesures, il y aura un point concernant les frais administratifs des caisses de pension.

Et sur le front de l’AVS, où en est-on ?
Le problème du financement de l’AVS est différent de celui des caisses de pension. La santé financière de l’AVS est garantie jusqu’en 2021. Mais après, quoi qu’il arrive, nous aurons besoin d’un financement accru. La 11e révision étant passée à la trappe l’automne dernier au Parlement, le conseiller fédéral Didier Burkhalter souhaite réunir en un premier temps dans un acte législatif les adaptations techniques qui n’ont pas été contestées. Ensuite le Département fédéral de l’intérieur élaborera un projet de révision qui sera soumis aux Parlement lors de la prochaine législature.

Pourquoi après 2021 l’AVS aura besoin d’un financement accru ?
Parce que nous nous trouverons face à un cumul de deux problèmes : on vit plus longtemps et le gros de la génération du baby-boom sera à la retraite. Vivre plus longtemps en soi c’est plutôt bien, le contraire, comme cela se passe en Russie ou en Afrique du Sud, serait désastreux pour la Suisse. Le baby-boom – les naissances entre 1945 et 1965 – est l’explosion démographique la plus forte de toute l’histoire de l’humanité. Donc nous vivons plus longtemps et celles et ceux qui arrivent à la retraite maintenant sont et seront de plus en plus nombreux.

Quelles pistes préconisez-vous pour garantir le financement de l’AVS qui sera rendu problématique par le vieillissement de la population ?
Même si les Suisses se mettaient dès cette année à faire plein d’enfants cela ne changerait rien au moins durant les vingt-cinq prochaines années. L’AVS est financée par le travail des gens. C’est le travail qui fait la richesse de notre système social. Les travailleurs immigrés, notamment ceux qui sont arrivés en Suisse depuis l’Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, contribuent à alimenter les caisses de l’AVS. Cela se chiffre en milliards les sommes que nous avons encaissées dans les assurances sociales grâce aux cotisations de ces nouveaux travailleurs migrants. Les femmes, de plus en plus nombreuses sur le marché du travail, contribuent également à financer notre système social. Et il y a également de plus en plus de jeunes retraités qui travaillent entre 65 et 70 ans. Plus il y a de gens qui travaillent dans notre pays, mieux se portera le système social.

Quelle est votre définition de la solidarité ?
Quand vous payez vos cotisations à un syndicat, vous n’allez pas vous demander si cette année vous avez tiré autant de prestations du syndicat que j’ai payé de cotisations. Et bien il en va de même pour l’Etat social. Une solidarité à laquelle je ne suis pas disposé à apporter ma contribution, ce n’est pas de la solidarité. C’est du self-service. La solidarité ce n’est de demander aux autres de nous donner des sous. La solidarité ce n’est pas Mère Térésa. La solidarité c’est de se rendre compte que si l’on se met à plusieurs pour régler un problème, on le règle mieux que si on le règle tout seul.

Extrait de l’interview publiée dans contact.sev, février 2011.

 

 

 

 

 

Christian Levrat: « Nous devons être offensifs »

Christian Levrat, président du Parti socialiste suisse, évoquait début 2010 quelques sujets d’actualité relatifs aux assurances sociales.

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Christian Levrat. Photo DR

 

Le 7 mars prochain nous voterons sur la baisse du taux de conversion du 2e pilier. Quel est votre argument No 1 pour dire non à cette baisse ?
Nous menons un référendum contre les assureurs. Le calcul des bourgeois est clair : ils veulent baisser les rentes pour garantir le bénéfice des grandes sociétés d’assurances, prendre des milliers de francs aux retraités pour les redistribuer aux managers et aux actionnaires. Savez-vous, par exemple, que le directeur de la Bâloise gagne plus de 6 millions de francs par année? Ou que les 11 dirigeants de Swiss Life se partagent 57 millions ? S’il y a des économies à faire, c’est avant tout sur ces salaires et sur les frais administratifs. Dans une assurance, la gestion du 2e pilier coûte 770 francs par assuré et par année. A l’AVS, moins de 30 francs.

Les attaques contre les assurances sociales se multiplient. Quelle est la stratégie du Parti socialiste suisse pour contrer ce démantèlement ?
La droite a l’air décidée de passer en force. Nous devons résister et ne pas hésiter à en appeler au peuple si nécessaire. Je suis sûr que les gens nous suivrons. Cependant, il ne faut pas se limiter à des combats défensifs. Il faut essayer de faire bouger les choses dans notre direction, en lançant par exemple des initiatives populaires ciblées. C’est pourquoi, avec les syndicats, nous étudions le lancement d’une initiative pour des salaires minimaux. Ou d’une initiative pour créer de nouveaux emplois grâce aux énergies renouvelables. Et nous travaillons également pour une caisse de maladie publique. Au démantèlement voulu par la droite doit répondre une stratégie offensive de la gauche.

Est-il judicieux de remettre sur le tapis une nouvelle initiative sur la caisse de maladie unique?
C’est la seule solution. Pour enterrer notre première initiative, Pascal Couchepin avait promis que les hausses de primes seraient modérées. On a vu cet automne qu’elles ont augmenté de presque 10% en moyenne, jusqu’à 20% dans certains cantons. Et l’année prochaine ne s’annonce pas meilleure. En fait, une caisse maladie unique permettrait de garantir un pilotage public du système de santé. Nous travaillons actuellement à une nouvelle proposition dans ce sens. Sur le modèle de l’AVS ou de la Suva par exemple.

 

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, février 2010.

 

 

 

 

Pellet, dessinateur de presse: l’imagination au bout du crayon

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 Alain Pellet dans son bureau à Ollon (VD). Photo AC

 

Un dessin suffit pour qu’Alain Pellet résume et rend intelligible un message complexe, le tout relevé d’un zeste d’humour. Comme les films muets de Buster Keaton ou de Charlie Chaplin, les dessins d’Alain Pellet n’ont pas besoin de mots pour nous faire sourire, même face à des situations sérieuses qui dénoncent des injustices ou des abus de pouvoir.

« A l’école primaire, je faisais des dessins pour notre journal de classe. Enfant, il m’arrivait aussi de caricaturer les gens de mon village. Je n’ai jamais suivi de cours de dessin, hormis de dessin technique, puisque je suis dessinateur géomètre. » Comment Alain Pellet réussit-il concilier son métier de technicien géomètre et sa passion pour le dessin de presse ? D’un côté la rigueur, de l’autre la fantaisie. La terre et le feu. « Mes deux jobs sont complémentaires. Les deux nécessitent de la rigueur et de l’imagination. Dans tous les domaines, je suis convaincu que l’imagination est primordiale. »
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Extrait de l’article paru dans contact.sev, janvier 2010.

 

 

 

 

 

Arrivederci Roma, fini les trains de nuit pour l’Italie

Ilario Placanica, travaille depuis 21 ans comme steward sur les trains de nuit CFF. Jeudi soir 10 décembre, le noeud à la gorge, il a effectué sa dernière nuit sur l’EuroNight «Luna» reliant Genève à Rome.

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Ilario Placanica défait les derniers lits du train de nuit pour Rome. Photo AC

 

C’est son dernier tour de service sur la ligne Genève – Rome, trajet qu’il a effectué « des centaines et des centaines de fois ». A chaque arrêt entre Genève Aéroport et Brigue, il descend de sa voiture-couchette pour accueillir avec un sourire affable les clients qu’il coachera jusqu’à Bologne, Florence ou Rome. Les clients sont à peine arrivés dans leur compartiment qu’Ilario leur donne des bouteilles d’eau. Des feuilles de signatures de la pétition contre la suppression des trains de nuit circulent d’un compartiment à l’autre. Les discussions entre clients s’enflamment. « Quoi, ils veulent supprimer les trains de nuit ? Ils sont fous ! Mais qu’est-ce qui leur prend aux dirigeants des chemins de fer ? »

De Rome à Budapest
Très professionnel, Ilario Placanica recueille auprès des clients les titres de transport, les cartes d’identité ou les passeports. Il communique les informations aux chefs de train et douaniers. Dans le couloir, les discussions autour de la suppression des trains de nuit se sont calmées. Les clients se sont lovés dans leurs couchettes. Dans sa cabine de service Ilario se tire un café. « Ce que j’aime dans ce métier, c’est la grande indépendance. Le plus difficile, ce sont les horaires» commente sobrement le steward. Comme la plupart de ses collègues qui travaillent sur les trains de nuit des CFF, il est frontalier. Il vit à Domodossola avec sa femme et son fils étudiant de 18 ans. Jusqu’à la mi-décembre, son lieu de service habituel est Genève. Imaginez les horaires : départ de Domodossola dans l’après-midi. Prise de service le soir à Genève. Arrivée le lendemain matin à 9 heures et demie à Rome. Dix heures plus tard départ de Rome destination Genève en travaillant sur le train de nuit, puis retour à Domodossola. « Désormais, mon nouveau lieu de service sera Zurich. Grâce au travail du syndicat SEV dont je suis membre depuis de nombreuses années, j’ai pu conserver mon job de steward chez elvetino. Je travaillerai sur la ligne Zurich – Budapest. Les absences de mon domicile seront encore plus longues. Je parle italien, français et anglais, mais pas l’allemand. J’espère que je m’en sortirai… »

Paradoxe
Florence est derrière nous. Le jour pointe sur les collines toscanes. « J’ai le vague à l’âme » soupire Ilario en buvant un nouveau espresso. « Ces paysages, Rome, les clients que je revoyais régulièrement, les joyeux voyages de classes, les touristes asiatiques… tout ça va me manquer! Ces dernières semaines les clients me disent qu’eux aussi sont déçus qu’on ait décidé de supprimer ce train de nuit. Il était bien pratique pour un tas de monde. En tout cas, en 21 ans de carrière, je n’ai jamais effectué un voyage à vide. Ces derniers étés, nous avons eu énormément de touristes coréens. Et quel paradoxe : pendant que scientifiques et politiciens essaient de trouver des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique, nos chemins de fer abdiquent en faveur de la voiture ou de l’avion. Quel sens ça a tout ça ? »

 Extrait de l’article paru dans contact.sev, décembre 2009.

 

 

René Knüsel : « La crise ? Une chance à saisir ! »

Pour le politologue René Knüsel, une crise devrait inciter les syndicats à davantage revendiquer une réhumanisation du monde du travail.

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Pour le professeur René Knüsel, engager davantage de personnel pour améliorer le service à la clientèle, permet de limiter le chômage et déstresser le monde du travail. Photo AC

 

Vous vous attendiez à cette crise ?
Plusieurs indicateurs financiers et économiques nous l’annonçaient. Mais il y a quelques mois encore, personne n’imaginait qu’elle allait atteindre pareillement l’UBS, l’un des piliers économiques de notre pays. Avec l’annonce de 8700 licenciements, dont 2500 en Suisse, maintenant on peut dire que la crise s’est aussi installée dans notre pays. Des mesures anticycliques, des plans anti-crise, se mettent en place, mais leurs effets seront limités. Nos assurances sociales seront fortement mises à contribution.

Que faudrait-il faire pour éviter la montée du chômage ?
A mon avis, les syndicats ont la responsabilité de lancer une dynamique positive, de concert avec les employeurs. Je m’explique. Nous vivons dans un monde du travail hyper rationalisé qui a parfois perdu le sens du service à la clientèle. C’est le cas aussi bien dans les transports publics que dans la restauration ou dans d’autres domaines de l’économie. Il faut rechercher un meilleur service au public en engageant davantage de personnel. Dans ce sens, je dis que la crise est une chance à saisir.

 Pensez-vous sérieusement que les entreprises sont prêtes à augmenter leurs coûts du personnel ?
Dans de nombreux secteurs, les entreprises travaillent en sous-effectifs. Quel est le résultat de cette politique ? Il y a un stress collectif qui coûte très cher aux entreprises elles-mêmes et à la société. Cela coûte très cher en termes d’absentéisme et de maladie. De plus, cela fait le lit à un climat d’incivilités et de violence. L’exemple des transports publics est patent à cet égard. La lutte contre ces incivilités et cette violence coûte de l’argent. En engageant davantage de personnel, les entreprises contribuent d’une part à ne pas aggraver la situation de l’assurance-chômage, d’autre part elles déstressent leurs employés et, enfin, elles améliorent leur service à la clientèle. Cette crise devrait nous inciter à prospecter des voies nouvelles pour réhumaniser le monde du travail.

Engager du personnel pour réhumaniser le travail, c’est bien, encore faut-il que ce personnel soit formé.
La formation continue devrait faire partie des plans anticrise. Sur ce point, on ne réfléchit pas assez. D’un côté on exige de la mobilité, de l’autre côté on cesse de former. Les syndicats devraient, parallèlement aux revendications salariales, demander une forte stimulation de la formation continue.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, avril 2009.

 

 

 

 

Une grève c’est beaucoup de travail…

Dur dur trois semaines de grève. Giovanni Salvagnin, des Ateliers CFF de Bellinzone, témoigne.

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Giovanni Salvagnin. Photo AC

 

« Moi c’est Salvagnin. Oui, c’est ça, Salvagnin comme le vin. J’ai 58 ans. Cela fait 34 ans que je travaille ici dans les Ateliers de Bellinzone. Je suis mécanicien de précision, marié, deux fils adultes. Ils se subviennent à eux-mêmes. Heureusement ! Mais pour mes collègues qui ont encore des enfants à la maison et qui ne savent pas s’ils vont perdre leur place de travail ou pas, c’est une autre chanson. Il y a pile une année, l’ancien directeur de CFF Cargo, Daniel Nordmann, est venu ici pour nous dire que les Ateliers de Bellinzone étaient rentables. Douze mois plus tard, on nous dit que nous sommes trop chers. Les CFF veulent privatiser le secteur de l’entretien des wagons et transférer à Yverdon-les-Bains l’entretien des locomotives. Ils nous prennent pour des pions. C’est légitime que nous nous soyons mis en grève. Nous ne faisons pas la grève pour le plaisir. Nous faisons la grève parce que nous voulons continuer à travailler dans nos Ateliers. Je trouve que l’organisation de cette grève est exemplaire. Je ne m’attendais pas à ce que l’on reçoive un appui si fort de la part de la population. Nous faisons plus d’heures de présence aux Ateliers durant la grève que lorsqu’on y travaillait… A la maison, je broie du noir ; ici, entre collègues, on se remonte le moral. Nous voulons gagner cette lutte. On ne reste pas sans rien faire, on va distribuer des tracts dans les villages pour expliquer le pourquoi de notre grève, on nettoie les Ateliers, on accueille les visiteurs. Des collègues font à manger. Il y a des épouses de collègues qui viennent nous donner un coup de main. Lors des manifestations qui ont eu lieu à Fribourg, Berne ou Bellinzone, nous avons organisé notre propre service d’ordre. Non, faut pas nous prendre pour une bande de rigolos qui croisent les bras pour le plaisir. Nous sommes des gens sérieux et responsables qui défendons notre place de travail. Regarde mes mains. Tu as vu ? J’ai perdu un doigt ici. Un accident de travail. Ces ateliers c’est ma vie ! »

 

Extrait de l’article paru dans L’Evénement syndical, avril 2008.

 

 

 

 

Nettoyeur, une profession méprisée

C’est l’histoire d’un jeune homme qui a lu dans « L’Evénement Syndical » cette phrase apparemment banale « il n’y a pas besoin de suivre une formation pour être nettoyeur ». Il n’a pas apprécié, lui, Cédric Marthe, 20 ans, qui venait précisément de passer son CFC de nettoyeur en bâtiment chez login, la communauté de formation des entreprises de transports publics. « Cela m’a énervé de lire ces lignes dans le journal de mon syndicat SEV. Ma copine m’a encouragé à réagir. » Cédric envoie donc un mail à notre rédaction. On s’excuse comme il se doit et on lui propose de le rencontrer pour qu’il nous parle de son métier. Quelques jours plus tard, nous voilà nez à nez avec Cédric Marthe au Buffet de la Gare de Bienne. Le jeune homme est discret, mais il dit ce qu’il a à dire. « J’ai réagi à l’article paru dans « L’Evénement syndical » parce que trop de gens sous-estiment et ne connaissent pas le métier de nettoyeur. Ils ne savent pas qu’il existe une formation avec CFC. J’ai effectué un apprentissage de trois ans chez login. J’ai appris la pratique du métier ici à la gare de Bienne, dans les bâtiments et les trains CFF. Les cours théoriques, je les ai suivis à Crissier, à la Maison romande de la propreté. »

Au terme de son apprentissage, Cédric Marthe est resté une année à la gare de Bienne où il a nettoyé les trains voyageurs. « Je travaillais souvent la nuit. C’est dur avec ces horaires irréguliers. » Depuis le mois de septembre de l’année passée, il travaille aux Ateliers industriels CFF d’Yverdon. « Je fais partie d’un team de treize nettoyeurs. Nous formons une toute nouvelle et bonne équipe chargée de nettoyer les trains inclinables ICN. Je suis polyvalent, je nettoie aussi bien les bâtiments des ateliers que les rames ICN. Dans ces trains, nous allons dans les détails, nous enlevons les sièges pour nettoyer à fond. » Lorsqu’on demande à Cédric ce qui l’attire dans son métier, il répond tout de go. « Quand j’ai fini un sol, j’aime bien quand ça brille! Et ça me plaît de faire en sorte que les gens entrent dans un bâtiment ou un train qui soient propres. »

Extrait de l’article paru dans L’Evénement syndical, février 2007.

Sabina Guzzanti, rire amer

Le film « Viva Zapatero » de Sabina Guzzanti est un documentaire accablant démontrant la mainmise du gouvernement Berlusconi sur les médias de la Péninsule.

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Sabina Guzzanti, réalisatrice de « Viva Zapatero ». Photo Neil Labrador

 

Si les films documentaires de Michael Moore vous ont plu, vous aimerez « Viva Zapatero » de Sabina Guzzanti. Chez l’Américain, la tête de pipe c’est Bush, pour l’Italienne c’est Berlusconi. Sabina Guzzanti arpente depuis plusieurs années avec succès populaire les scènes de théâtre de la Péninsule, grimée sous les traits du premier ministre italien.

Des politiciens italiens vous accusent, pour justifier votre mise à l’écart du petit écran, de faire de la politique et non de la satire.
Tout un chacun a le droit de faire les commentaires qu’il veut sur l’actualité politique. C’est absurde de prétendre que seuls les politiciens ont le droit d’aller devant les caméras pour parler de politique.

Un demi-million d’Italiens vivent en Suisse. Pensez-vous que votre combat peut les intéresser?
Bien sûr que oui. Une télévision libre, c’est la base de tous les droits. C’est à la télévision, par exemple, qu’on peut débattre des réformes du régime des retraites et de l’assurance maladie, thèmes susceptibles d’intéresser les émigrés qui veulent rentrer en Italie.

Est-ce que vous appréciez le fait que l’on compare votre film à ceux de Michael Moore ?
Nos films sont des documentaires politiques qui se veulent amusants. Mais notre approche cinématographique est différente. Michael Moore crée des situations, des gags. Il manipule un peu la réalité. Mais si l’Américain n’avait pas existé, peut-être que je n’aurais pas eu le courage de me lancer dans cette aventure.

Extrait de l’interview parue dans L’Evénement syndical, janvier 2006.