Alain Berset : « Dans le débat sur les retraites, il faut dépasser la confrontation ! »

Berset
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Vous proposez de réformer conjointement l’AVS et le 2e pilier. Ne prenez-vous pas le risque de démanteler les assurances sociales ?
Au contraire : seule une réforme globale des 1er et 2e piliers va permettre d’améliorer la transparence et donc la confiance et de maintenir le niveau de prestations. Les deux piliers ont fondamentalement le même problème. A moyen et long terme ils ne sont pas suffisamment financés. Pour le Conseil fédéral, un démantèlement des assurances sociales est exclu. Pour les rentes de l’assurance vieillesse obligatoire, aucune baisse n’est envisagée. Le niveau actuel des rentes doit être maintenu.

L’AVS comporte une forte composante de solidarité. Les actifs sont toujours davantage sollicités pour financer les rentiers, sans savoir s’ils bénéficieront de bonnes prestations lorsqu’ils seront retraités. Le système a-t-il atteint ses limites ?
C’est justement pour cette raison que nous avons besoin d’une réforme. Il faut restaurer la confiance des citoyennes et des citoyens, en particulier des jeunes générations. L’AVS repose sur un contrat qui lie les générations. Elle a été créée en 1948 mais a ensuite toujours été adaptée.

Est-ce judicieux de vouloir hausser l’âge de retraite des femmes à 65 ans, comme les hommes, alors que les femmes gagnent en moyenne 18% de moins que les hommes ?
L’égalité salariale n’est effectivement pas encore atteinte en Suisse et il faut que cela change. La prévoyance vieillesse ne doit cependant pas servir à ça en premier lieu. L’objectif est de maintenir le niveau de prestations, ce qui est déjà difficile.

Pour défendre votre projet de « Réforme de la prévoyance vieillesse 2020 » vous allez au-devant d’une confrontation avec la gauche. Cela ne vous embarrasse pas ?
N’oublions pas que la réforme est perçue du côté bourgeois de manière au moins aussi critique… Il faut dépasser la confrontation et instaurer un débat politique nécessaire dans l’optique d’une prévoyance vieillesse sûre et solidaire.

Extrait de l’interview d’Alain Berset, conseiller fédéral, au sujet de la Réforme de la prévoyance vieillesse 2020, contact.sev, octobre 2013.

Daniel Mange : « La beauté de la vitesse »

 « La splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. » Citation de l’écrivain italien Filippo Tommaso Marinetti que Daniel Mange a placée en exergue de son livre « Plan Rail 2050 », un plaidoyer pour la grande vitesse ferroviaire.

Mange
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 Pourquoi plaidez-vous pour la vitesse ferroviaire ?
Parce que je rêve d’une Suisse qui soit pleinement intégrée au réseau européen à grande vitesse, avec des dessertes rapides entre les principales villes de notre pays. La grande vitesse ferroviaire est malheureusement ignorée, alors qu’elle serait un formidable facteur d’intégration pour la Suisse et elle nous rapprocherait des grandes villes européennes. Cette vision me crève les yeux !

Quelle solution préconisez-vous ?
Une ligne grande vitesse ouest-est Genève – St-Gall et une ligne grande vitesse nord sud Bâle – Chiasso.

Pratiquement, par quel chantier il faudrait commencer ?
Il faut construire une ligne à haute vitesse entre Genève et Lausanne (qui éviterait aux trains de franchir 22 gares et 60 aiguillages) et une ligne haute vitesse entre Roggwil et Altstetten. Le trafic sur ces deux tronçons est excessivement surchargé et ne permet pas la grande vitesse.

La grande vitesse a un coût très élevé, comment pensez-vous la financer ?
Il existe par exemple la Banque européenne d’investissement et le partenariat public-privé. N’oublions pas que le premier tunnel ferroviaire du Gothard a été construit il y a plus de 140 ans essentiellement avec des capitaux allemands et italiens.

Interview parue dans contact.sev, février 2013.

Nuria Gorrite : « Je suis très attachée au partenariat social dans les transports publics »

Depuis l’été 2012, Nuria Gorrite est conseillère d’Etat vaudoise, cheffe du Département des infrastructures et des ressources humaines.


Quel objectif voulez-vous atteindre dans votre fonction de ministre des transports ?
Je plaide pour que l’on n’oppose pas transports publics et transports individuels. Nous sommes tous des multiusagers. L’objectif des services que je dirige est simple : nous devons relier le territoire pour permettre aux gens d’être reliés entre eux.

Votre avis sur le partenariat social au sein des transports publics ?
Je suis fille de syndicaliste. Je suis naturellement très attachée au partenariat et au dialogue social dans le secteur des transports publics à l’instar de tous les autres secteurs économiques. Je suis aussi attachée au service public. Et pour que ce service soit de qualité, il est indispensable que le personnel puisse travailler dans de bonnes conditions. C’est aux partenaires sociaux de dialoguer entre eux et d’arriver à des accords.

Quid des économies budgétaires qui se font sur le dos du personnel ?
Les entreprises de transport public sont dans un champ de tension : d’un côté elles doivent fournir des prestations de qualité au meilleur prix, de l’autre côté elles doivent offrir de bonnes conditions de travail à leurs employés, tout en veillant à ce que la sécurité soit rigoureusement assurée. Toutefois, si une entreprise se trouve dans des contraintes budgétaires telles qu’elle n’a plus les moyens de garantir sa mission, envers les usagers et son personnel, l’Etat doit alors intervenir.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, janvier 2013.

Michel Jaboyedoff: « Plus de la moitié des glissements de terrain sont générés par l’homme »

En Suisse, les principales lignes ferroviaires sont généralement bien construites et bien protégées pour résister aux dangers naturels. Cependant, l’occupation grandissante du sol et le réchauffement climatique augmentent les risques de catastrophes naturelles. Le professeur lausannois Michel Jaboyedoff, spécialiste de la gestion des risques environnementaux, a effectué plusieurs études scientifiques sur ces phénomènes de dégradation de notre milieu naturel.

Quels sont les dangers naturels qui menacent les lignes ferroviaires de notre pays?
Comme toute construction, le réseau ferré helvétique est menacé par plusieurs dangers naturels: éboulements, glissements de terrain, inondations, érosions, sans parler des tempêtes et des avalanches… Mais je tiens à préciser que les grandes lignes ferroviaires suisses font l’objet d’importantes mesures de protection et de sécurité. Les chemins de fer de montagne des entreprises de transport concessionnaires (ETC) sont naturellement plus exposés. Ils parcourent des zones à plus grands risques sur des pentes souvent très raides.

Vous dites que les grandes lignes ferroviaires sont bien protégées, mais sur la ligne du Gothard, les glissements de terrain ne sont pas rares.
En matière de dangers naturels le risque zéro n’existe pas. Le passage du Gothard est un véritable Emmental notamment à cause des fortifications créées par l’armée, ce qui augmente le risque de chutes de blocs et glissements de terrain.

Vous voulez dire que c’est l’intervention de l’être humain qui est responsable des éboulements qui surviennent sur la ligne du Gothard ?
En partie oui, et pas uniquement au Gothard. Les constructions de routes et de bâtiments sur des zones pentues provoquent des concentrations d’eau qui peuvent à leur tour engendrer des glissements de terrain. Il y a tout simplement plus souvent des glissements de terrain là où l’activité humaine favorise des concentrations d’eaux. A l’heure actuelle, plus de la moitié des glissements de terrain enregistrés en Suisse, sont générés par l’homme. Dans notre pays, la densité de la population augmente tout comme la valeur des constructions et des biens. En cas de catastrophe naturelle, l’ampleur des dégâts augmente. C’est pour cela que nous tendons vers une gestion intégrée du risque pour limiter les coûts et les dommages.

Quelle est selon vous la principale faiblesse au niveau de la prévention des risques ?
Elaborer de belles cartes indicatives des dangers liés aux avalanches, aux chutes de pierres, aux glissements de terrain et aux laves torrentielles comme nous le faisons dans les universités et les bureaux d’études c’est bien, les mettre en adéquation avec les plans d’aménagement du territoire serait mieux !

Y a-t-il un gros problème de ce côté-là ?
La classe politique manque de courage. Il faut prendre ses responsabilités : si une zone est à risque, il ne faut pas céder aux intérêts des promoteurs immobiliers, ni aux autorités locales qui sont prêtes à délivrer un permis de construire à l’aveuglette. Cependant, il faut le dire, nous sommes de plus en plus contraints d’effectuer des prises de risques pondérées, de construire là où des risques d’avalanches ou d’inondations existent. Cela doit se savoir et des mesures de protection doivent être prises. La communication est un outil de prévention.

Est-ce que cette prise de risque pondérée serait également envisageable pour des dangers qui menaceraient des tronçons de voies ferrées ?
Bien sûr. J’effectue au Canada une étude géologique sur la ligne ferroviaire touristique du Massif de Charlevoix conduisant de Québec à La Malbaie le long du fleuve St-Laurent. Par endroits des chutes de blocs menacent. Au lieu de construire des ouvrages d’art qui coûteraient des sommes colossales, j’ai proposé que l’on mette en place un système de vidéosurveillance géologique qui puisse alerter le service d’exploitation et le mécanicien qui pilote le train afin de d’arrêter le convoi au cas où des blocs menacent réellement de tomber sur la voie. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne construira jamais des ouvrages de protection. Mais comme les collectivités publiques sont financièrement sollicitées de toutes parts, des systèmes temporaires de vidéosurveillance pourraient faire l’affaire en attendant la construction d’ouvrages de protection.

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Photo AC

BIO
Michel Jaboyedoff est né le 8 février 1962 à Lausanne. Diplômé en géologie, détenteur d’une licence en physique, il a défendu son doctorat en minéralogie sur le métamorphisme des Alpes en Suisse occidentale. Marié, père de deux fils, il est domicilié à Lausanne. Le professeur Michel Jaboyedoff a mené des recherches sur les glissements de terrains dans plusieurs pays. Il a créé la Fondation Quanterra (Centre international sur les dangers naturels et risques en milieu montagneux).

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, septembre 2012.

 

 

Pour Dominique Biedermann, la rentabilité ne doit pas être l’unique critère pour le placement des capitaux

Directeur de la Fondation Ethos jusqu’en juin 2015, Dominique Biedermann a appelé les caisses de pension à faire face à leurs responsabilités en matière de placement des capitaux.

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Photo Ethos

De nombreuses caisses de pension sont en sous-couverture, les assurés actifs doivent payer des cotisations d’assainissement, les retraités voient leurs rentes stagner. Pour tous ces assurés, le placement éthique des capitaux du deuxième pilier n’est certainement pas le premier de leurs soucis…
L’investissement socialement responsable est totalement compatible avec une bonne rentabilité financière. Mais cette rentabilité ne doit pas être l’unique critère en matière de placement des capitaux.

Quels sont les autres critères dont il faut tenir compte ?
Aux membres d’Ethos nous proposons, au nom de l’investissement socialement responsable, de placer les capitaux dans des entreprises cotées en bourse qui s’engagent pour un management qui ne tienne pas uniquement compte des paramètres financiers, mais également sociaux, environnementaux et de gouvernance d’entreprise.

Comment vous vous y prenez pour atteindre vos objectifs ?
Les caisses de pension sont amenées à investir leurs capitaux dans trois catégories de placement : l’immobilier, les obligations et les actions. Ethos conseille les caisses de pension essentiellement au niveau des placements en actions. En achetant des actions d’une entreprise, les caisses de pension deviennent automatiquement actionnaires de cette entreprise. Ethos peut alors les assister dans l’exercice de leurs droits d’actionnaires que ce soit dans l’exercice des droits de vote ou dans le cadre d’un dialogue discret avec le management. Dans ce dernier cas, nous faisons valoir nos droits relatifs à la gouvernance de l’entreprise, ainsi qu’à sa politique environnementale et sociale.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, mai 2012.

 

 

 

Roger Nordmann : « Oui, même sans le nucléaire, les trains pourront circuler sans problèmes ! »

Roger Nordmann, conseiller national vaudois PS et vice-président de l’ATE (Association transports et environnement) milite pour l’abandon du nucléaire et préconise le développement des énergies renouvelables.

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Roger Nordmann. Photo AC

 Est-ce que tous les trains pourront circuler en Suisse dès 2025 s’il ne devait plus y avoir de centrales nucléaires dans notre pays, et bien entendu sans devoir acheter à l’étranger de l’énergie électrique produite par des centrales nucléaires ?
Oui, les trains circuleront sans problèmes. Par contre, la question de savoir d’où viendra le courant dépend principalement de la politique que la Suisse mènera. En effet, les transports publics ne consomment que 5% de l’ensemble du courant. Ce que nous préconisons au PS, pour l’ensemble du pays, c’est un approvisionnement essentiellement indigène et entièrement fondé sur les énergies renouvelables. Si la Suisse prend activement ce virage, le courant acheté par les CFF sera nécessairement propre. Par contre, si l’on ne prend pas les mesures nécessaires, la Suisse, et les CFF avec, risque de dépendre de courant importé, plus probablement d’origine charbonnière que nucléaire. Ce serait désastreux.

 Comment le très dense réseau ferroviaire helvétique pourra-t-il fonctionner sans l’énergie produite par les centrales nucléaires ?
En poursuivant leur stratégie d’investissement dans des capacités de production, les CFF font le bon choix. A l’avenir, le principal potentiel des CFF est le photovoltaïque. Les CFF disposent en effet d’énormes surfaces : toits des gares, marquises, hangars, façades, talus, murs antibruit, paravalanches, toits des trains, etc. Les investissements dans le pompage-turbinage, comme au Nant-de-Dranse dans la vallée du Trient (VS), sont également indispensables. Ils permettent de stocker temporairement l’électricité pour couvrir les besoins de pointe. Le pompage permet aussi d’acquérir des surplus de courant nocturne bon marché, par exemple d’origine éolienne. Reste la question du réseau CFF à haute tension : il faut le renforcer et améliorer l’interfaçage avec le réseau électrique ordinaire.

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, avril 2011.

 

 

Yves Rossier : « C’est le travail qui fait la richesse de notre système social »

Yves Rossier, alors directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), m’avait reçu dans son bureau début 2011. Interrogé sur les assurances sociales, l’homme s’est exprimé à la vitesse d’un TGV… Voie 1, attention, départ !

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Yves Rossier. Photo PressClub


N’avez-vous pas l’impression que le 2e pilier ressemble à un casino plutôt qu’à un système de solidarités. Certains financiers jouent et gagnent gros avec le marché des capitaux, tandis que les employés cotisent et y laissent des plumes ?
Qualifier le 2e pilier de casino c’est un slogan. La situation actuelle se résume aux difficultés que nous rencontrons pour financer les prestations. Le Conseil fédéral et le Parlement avaient proposé d’abaisser le taux de conversion. Une solution refusée en votation populaire le 7 mars 2010. Il faudra trouver des solutions ailleurs. Mais si en parlant de casino vous pensez au frais administratifs des caisses de pensions, sachez que ces frais sont très faibles par rapport aux besoins d’argent. A l’OFAS, actuellement, nous préparons un rapport pour le Conseil fédéral dans lequel nous allons proposer des mesures pour améliorer la situation de notre prévoyance professionnelle. Parmi ces mesures, il y aura un point concernant les frais administratifs des caisses de pension.

Et sur le front de l’AVS, où en est-on ?
Le problème du financement de l’AVS est différent de celui des caisses de pension. La santé financière de l’AVS est garantie jusqu’en 2021. Mais après, quoi qu’il arrive, nous aurons besoin d’un financement accru. La 11e révision étant passée à la trappe l’automne dernier au Parlement, le conseiller fédéral Didier Burkhalter souhaite réunir en un premier temps dans un acte législatif les adaptations techniques qui n’ont pas été contestées. Ensuite le Département fédéral de l’intérieur élaborera un projet de révision qui sera soumis aux Parlement lors de la prochaine législature.

Pourquoi après 2021 l’AVS aura besoin d’un financement accru ?
Parce que nous nous trouverons face à un cumul de deux problèmes : on vit plus longtemps et le gros de la génération du baby-boom sera à la retraite. Vivre plus longtemps en soi c’est plutôt bien, le contraire, comme cela se passe en Russie ou en Afrique du Sud, serait désastreux pour la Suisse. Le baby-boom – les naissances entre 1945 et 1965 – est l’explosion démographique la plus forte de toute l’histoire de l’humanité. Donc nous vivons plus longtemps et celles et ceux qui arrivent à la retraite maintenant sont et seront de plus en plus nombreux.

Quelles pistes préconisez-vous pour garantir le financement de l’AVS qui sera rendu problématique par le vieillissement de la population ?
Même si les Suisses se mettaient dès cette année à faire plein d’enfants cela ne changerait rien au moins durant les vingt-cinq prochaines années. L’AVS est financée par le travail des gens. C’est le travail qui fait la richesse de notre système social. Les travailleurs immigrés, notamment ceux qui sont arrivés en Suisse depuis l’Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, contribuent à alimenter les caisses de l’AVS. Cela se chiffre en milliards les sommes que nous avons encaissées dans les assurances sociales grâce aux cotisations de ces nouveaux travailleurs migrants. Les femmes, de plus en plus nombreuses sur le marché du travail, contribuent également à financer notre système social. Et il y a également de plus en plus de jeunes retraités qui travaillent entre 65 et 70 ans. Plus il y a de gens qui travaillent dans notre pays, mieux se portera le système social.

Quelle est votre définition de la solidarité ?
Quand vous payez vos cotisations à un syndicat, vous n’allez pas vous demander si cette année vous avez tiré autant de prestations du syndicat que j’ai payé de cotisations. Et bien il en va de même pour l’Etat social. Une solidarité à laquelle je ne suis pas disposé à apporter ma contribution, ce n’est pas de la solidarité. C’est du self-service. La solidarité ce n’est de demander aux autres de nous donner des sous. La solidarité ce n’est pas Mère Térésa. La solidarité c’est de se rendre compte que si l’on se met à plusieurs pour régler un problème, on le règle mieux que si on le règle tout seul.

Extrait de l’interview publiée dans contact.sev, février 2011.

 

 

 

 

 

Christian Levrat: « Nous devons être offensifs »

Christian Levrat, président du Parti socialiste suisse, évoquait début 2010 quelques sujets d’actualité relatifs aux assurances sociales.

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Christian Levrat. Photo DR

 

Le 7 mars prochain nous voterons sur la baisse du taux de conversion du 2e pilier. Quel est votre argument No 1 pour dire non à cette baisse ?
Nous menons un référendum contre les assureurs. Le calcul des bourgeois est clair : ils veulent baisser les rentes pour garantir le bénéfice des grandes sociétés d’assurances, prendre des milliers de francs aux retraités pour les redistribuer aux managers et aux actionnaires. Savez-vous, par exemple, que le directeur de la Bâloise gagne plus de 6 millions de francs par année? Ou que les 11 dirigeants de Swiss Life se partagent 57 millions ? S’il y a des économies à faire, c’est avant tout sur ces salaires et sur les frais administratifs. Dans une assurance, la gestion du 2e pilier coûte 770 francs par assuré et par année. A l’AVS, moins de 30 francs.

Les attaques contre les assurances sociales se multiplient. Quelle est la stratégie du Parti socialiste suisse pour contrer ce démantèlement ?
La droite a l’air décidée de passer en force. Nous devons résister et ne pas hésiter à en appeler au peuple si nécessaire. Je suis sûr que les gens nous suivrons. Cependant, il ne faut pas se limiter à des combats défensifs. Il faut essayer de faire bouger les choses dans notre direction, en lançant par exemple des initiatives populaires ciblées. C’est pourquoi, avec les syndicats, nous étudions le lancement d’une initiative pour des salaires minimaux. Ou d’une initiative pour créer de nouveaux emplois grâce aux énergies renouvelables. Et nous travaillons également pour une caisse de maladie publique. Au démantèlement voulu par la droite doit répondre une stratégie offensive de la gauche.

Est-il judicieux de remettre sur le tapis une nouvelle initiative sur la caisse de maladie unique?
C’est la seule solution. Pour enterrer notre première initiative, Pascal Couchepin avait promis que les hausses de primes seraient modérées. On a vu cet automne qu’elles ont augmenté de presque 10% en moyenne, jusqu’à 20% dans certains cantons. Et l’année prochaine ne s’annonce pas meilleure. En fait, une caisse maladie unique permettrait de garantir un pilotage public du système de santé. Nous travaillons actuellement à une nouvelle proposition dans ce sens. Sur le modèle de l’AVS ou de la Suva par exemple.

 

Extrait de l’interview parue dans contact.sev, février 2010.

 

 

 

 

Pellet, dessinateur de presse: l’imagination au bout du crayon

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 Alain Pellet dans son bureau à Ollon (VD). Photo AC

 

Un dessin suffit pour qu’Alain Pellet résume et rend intelligible un message complexe, le tout relevé d’un zeste d’humour. Comme les films muets de Buster Keaton ou de Charlie Chaplin, les dessins d’Alain Pellet n’ont pas besoin de mots pour nous faire sourire, même face à des situations sérieuses qui dénoncent des injustices ou des abus de pouvoir.

« A l’école primaire, je faisais des dessins pour notre journal de classe. Enfant, il m’arrivait aussi de caricaturer les gens de mon village. Je n’ai jamais suivi de cours de dessin, hormis de dessin technique, puisque je suis dessinateur géomètre. » Comment Alain Pellet réussit-il concilier son métier de technicien géomètre et sa passion pour le dessin de presse ? D’un côté la rigueur, de l’autre la fantaisie. La terre et le feu. « Mes deux jobs sont complémentaires. Les deux nécessitent de la rigueur et de l’imagination. Dans tous les domaines, je suis convaincu que l’imagination est primordiale. »
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Extrait de l’article paru dans contact.sev, janvier 2010.

 

 

 

 

 

Arrivederci Roma, fini les trains de nuit pour l’Italie

Ilario Placanica, travaille depuis 21 ans comme steward sur les trains de nuit CFF. Jeudi soir 10 décembre, le noeud à la gorge, il a effectué sa dernière nuit sur l’EuroNight «Luna» reliant Genève à Rome.

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Ilario Placanica défait les derniers lits du train de nuit pour Rome. Photo AC

 

C’est son dernier tour de service sur la ligne Genève – Rome, trajet qu’il a effectué « des centaines et des centaines de fois ». A chaque arrêt entre Genève Aéroport et Brigue, il descend de sa voiture-couchette pour accueillir avec un sourire affable les clients qu’il coachera jusqu’à Bologne, Florence ou Rome. Les clients sont à peine arrivés dans leur compartiment qu’Ilario leur donne des bouteilles d’eau. Des feuilles de signatures de la pétition contre la suppression des trains de nuit circulent d’un compartiment à l’autre. Les discussions entre clients s’enflamment. « Quoi, ils veulent supprimer les trains de nuit ? Ils sont fous ! Mais qu’est-ce qui leur prend aux dirigeants des chemins de fer ? »

De Rome à Budapest
Très professionnel, Ilario Placanica recueille auprès des clients les titres de transport, les cartes d’identité ou les passeports. Il communique les informations aux chefs de train et douaniers. Dans le couloir, les discussions autour de la suppression des trains de nuit se sont calmées. Les clients se sont lovés dans leurs couchettes. Dans sa cabine de service Ilario se tire un café. « Ce que j’aime dans ce métier, c’est la grande indépendance. Le plus difficile, ce sont les horaires» commente sobrement le steward. Comme la plupart de ses collègues qui travaillent sur les trains de nuit des CFF, il est frontalier. Il vit à Domodossola avec sa femme et son fils étudiant de 18 ans. Jusqu’à la mi-décembre, son lieu de service habituel est Genève. Imaginez les horaires : départ de Domodossola dans l’après-midi. Prise de service le soir à Genève. Arrivée le lendemain matin à 9 heures et demie à Rome. Dix heures plus tard départ de Rome destination Genève en travaillant sur le train de nuit, puis retour à Domodossola. « Désormais, mon nouveau lieu de service sera Zurich. Grâce au travail du syndicat SEV dont je suis membre depuis de nombreuses années, j’ai pu conserver mon job de steward chez elvetino. Je travaillerai sur la ligne Zurich – Budapest. Les absences de mon domicile seront encore plus longues. Je parle italien, français et anglais, mais pas l’allemand. J’espère que je m’en sortirai… »

Paradoxe
Florence est derrière nous. Le jour pointe sur les collines toscanes. « J’ai le vague à l’âme » soupire Ilario en buvant un nouveau espresso. « Ces paysages, Rome, les clients que je revoyais régulièrement, les joyeux voyages de classes, les touristes asiatiques… tout ça va me manquer! Ces dernières semaines les clients me disent qu’eux aussi sont déçus qu’on ait décidé de supprimer ce train de nuit. Il était bien pratique pour un tas de monde. En tout cas, en 21 ans de carrière, je n’ai jamais effectué un voyage à vide. Ces derniers étés, nous avons eu énormément de touristes coréens. Et quel paradoxe : pendant que scientifiques et politiciens essaient de trouver des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique, nos chemins de fer abdiquent en faveur de la voiture ou de l’avion. Quel sens ça a tout ça ? »

 Extrait de l’article paru dans contact.sev, décembre 2009.